SANGUISUGABOGG – Tortured whole
Vous qui pénétrez dans cette chronique, oubliez tout espoir d’y trouver harmonies mélodieuses ou paroles sur le cycle de reproduction des bégonias. On va on contraire s’enfoncer dans les égouts, se repaître de chair humaine, manger ses propres boyaux ou martyriser des caniches avec des fers à souder au cours de cet invraisemblable périple au pays de Sanguisugabogg, un combo originaire de l’Ohio qui vient de commettre un premier album à côté duquel Morbid Angel ou Carcass ne sont que des chorales de mormons efféminés.
Le style de Sanguisugabogg fait penser à un mélange entre death metal putride et grindcore malsain, néanmoins rehaussé d’une touche d’humour qui sauve la mise. S’il n’y avait pas cette tranche d’autodérision, Sanguisugabogg aurait pu passer pour le groupe le plus dérangé de la galaxie death metal. L’originalité particulière de ce groupe est due à son leader Cameron Boggs, guitariste qui a commencé à écrire des chansons dans un sous-sol régulièrement inondé tout en écoutant du rap, afin de ne subir aucune influence métal durant ses processus créatifs. De fil en aiguille, ce garçon passe du petit projet pour geek amateur de films d’horreur à un groupe plus structuré lorsque quelques déviants du nom de Cody Davidson (batterie), Devin Swank (chant) et Ced Davis (basse) s’approchent du local de Cameron Boggs, d’où s’échappent d’épais sons de guitare bien alléchants.
Au lieu de se manger entre eux, les quatre garçons commettent un premier EP en 2019, ʺPornographic seizuresʺ. Cette rondelle toute en finesse poétique attire l’attention de certains webzines, qui décrivent à leur lecteurs les riffs charcutiers de certaines chansons ou considèrent l’EP comme un des plus vils de l’année. Le groupe Harm’s Way, interrogé par le magazine Revolver au sujet des cinq albums qu’il considère comme les meilleurs de l’an 2019, cite ʺPornographic seizuresʺ en précisant que les riffs néanderthaliens de ce disque sont extrêmement bien joués.
Cette réputation suffit à attirer certains leviers vers davantage de popularité. La fameuse maison Troma, spécialisée dans les films de série Z indéfendables mais géniaux, insère quelques morceaux de Sanguisugabogg dans ses films les plus récents. Et c’est le label Century Media qui signe le groupe pour son premier album long format, flairant l’occasion de faire un coup fumant.
Et l’opération est effectivement un choc. Sanguisugabogg émet un death metal tout en lenteur et en infrasons démoniaques, servi par un chant tellement caverneux qu’on est davantage dans le domaine du siphon d’évier évacuant une eau saumâtre que dans le borborygme ursidé caractérisant habituellement le death metal. C’est pour cela que la référence au grindcore vient aussi à l’esprit, à la fois en raison des thèmes des chansons (ʺMenstrual envyʺ, ʺGored in the chestʺ, ʺDragged by a truckʺ, ʺDead as shitʺ, ʺUrinary ichorʺ, ʺFelching filthʺ) que de l’humour absurde qui se glisse dans les paroles ou certains interludes électro-pop qui viennent un peu aérer l’ambiance étouffante de l’album (ʺPornographicʺ, ʺInterlubeʺ). Ce chant évolue sous un vent continu de riffs monstrueux qui dominent tout et écrasent le son maigrelet de la batterie, encore une caractéristique propre à Sanguisugabogg. Quant au logo du groupe, c’est sans doute le plus illisible de toute l’histoire du métal extrême.
Les candidats aux expériences extrêmes peuvent faire un pas en avant. Ils ne regretteront pas le voyage mais pourraient bien avoir besoin d’un petit soutien psychologique après coup, afin de faire remonter à la surface tous les traumatismes scatologiques et cannibales qui pourraient frapper l’inconscient en cours d’écoute. Quant à moi, je ne dirais qu’un mot : bleuarghhh !
Le groupe :
Cameron Boggs (guitare)
Cody Davidson (batterie)
Devin Swank (chant)
Ced Davis (basse)
L’album :
ʺMenstrual Envyʺ
ʺGored In the Chestʺ
ʺDragged By a Truckʺ
ʺPornographicʺ
ʺDead As Shitʺ
ʺTortured Wholeʺ
ʺInterlubeʺ
ʺDick Filetʺ
ʺUrinary Ichorʺ
ʺPosthumous Compersionʺ
ʺFelching Filthʺ
https://www.facebook.com/sanguisugabogg
Pays: Us
Century Media
Sortie: 2021/03/26