VAN WISSEM, Josef – We adore you, you have no name
Assurément, Jozef van Wissem est un des musiciens les plus originaux à avoir été signé sur le label Consouling Sounds. Alors que cette maison est plutôt spécialisée dans les aspects les plus ombrageux et expérimentaux du post-rock, du drone ou de l’ambient, elle accueille ici un musicien qui semble arrivé directement des XVIe-XVIIe siècles, égaré par hasard dans une XXIe siècle trop sot et technicien pour lui. Jozef van Wissem ne jure en effet que par le luth et ignore les guitares électriques. Il se réfère à des musiciens baroques décédés depuis 400 ans, bien loin des petits poseurs chevelus du rock contemporain.
Nous avions eu l’occasion de découvrir ce musicien sur son précédent album « When shall this bright day begin« (2016) et nous apprenons encore de nouvelles choses de Jozef van Wissem avec ce nouvel disque qui est truffé de références à la musique baroque. Ici, il ne sera question que de luth, dans sa version la plus dénudée et primitive, avec cependant une puissance évocatrice peu commune, véritable machine à voyager dans le temps.
Et ici, sur ce « We adore you, you have no name », nous allons voyager très loin dans des époques éloignées. Revêtons donc une fraise en guise de col et un pourpoint en guise de veston, et partons pour les Pays-Bas espagnols au temps de Charles-Quint, où un certain Jacques Arcadelt (1507-1568) écrivait de la musique sacrée ou profane du côté de Namur. C’est un madrigal de ce compositeur qui sert d’inspiration à « You know that I love you », un des morceaux de ce nouvel album. La partition est décrite sur une peinture du Caravage intitulée Le joueur de luth. Cette œuvre d’une sublime beauté est actuellement exposée au musée de l’Hermitage à Saint-Pétersbourg et c’est en composant une œuvre sonore pour célébrer la restauration de ce tableau, commandée par le musée, que Jozef van Wissem s’est basé sur cette partition pour s’inspirer du morceau de Jacques Arcadelt.
Autre source d’inspiration pour Jozef van Wissem, la musique baroque du XVIIe siècle, qui n’a évidemment rien à voir avec celle du XVIe siècle. Dire que tout cela se ressemble reviendrait à provoquer un métalleux en disant que le post-black metal est exactement pareil que le doom metal funéraire, il ne faut quand même pas déconner. Eh bien pour le baroque, c’est pareil, il y a des nuances et l’éminent expert Jozef van Wissem est là pour nous le rappeler. Son morceau « Unto thee I lift up mine eyes » est inspiré d’une sarabande baroque au luth composée par Ennemond Gaultier (1575-1651).
C’est toujours un minimalisme riche d’émotion, secret de fabrication des œuvres de Jozef van Wissem, qui habite ce nouveau disque. Van Wissem nous emporte dans son univers venu d’un autre âge. L’album démarre dans la simplicité complète de « How you must leave », alors que « Deliverance » sonne plus moderne que les autres morceaux, avec son rythme marqué à la percussion et sa guitare cristalline. Le chant est rare mais apparaît sous des atours à la fois évanescents et martiaux, comme flottant dans l’air (« Bow down », « Beyond the book of blood the rain is fire »).
Jozef van Wissem a fait une prestation en octobre dernier au pourtant très lourd Desertfest à Anvers. Sa présence a séduit, comme quoi on peut imaginer des connexions entre l’underground heavy et expérimental et les grâces médiévistes de sa musique. Ne le perdons donc pas de vue.
Pays: NL
Consouling Sounds
Sortie: 2018/11/09