MOSTER! – States of minds
Moderniser l’héritage musical de John Coltrane, voilà une idée respectable entre toutes. Personne n’y avait pensé avant, alors que c’était évident. Et quand on redéfinit la musique de John Coltrane à l’heure des téléphones portables, des tweets et des hashtags, on trouve Kjetil Møster et sa musique jazz-rock formidable. Alors, Kjetil, qui est-il? C’est un musicien de 42 ans né à Bergen (Norvège) et qui a commencé à apprendre la musique à l’âge de 13 ans, par le biais de la trompette, du cornet à pistons et du saxophone. Il se fait un peu la main dans des groupes rock comme Ripper i lakken avant de suivre une formation jazz au conservatoire de Trondheim. De là, il commence à animer certains groupes, dont le trio Möster (qui devient ensuite Møster), puis KM Sextet ou le groupe de rock électronique Datarock, dans lequel il percute, saxophonise, claviérise et chante également. Avec de nombreuses participations à des festivals jazz, Møster finit par obtenir la récompense du talent de l’année en 2006. Depuis lors, c’est une figure établie de la scène jazz avant-gardiste norvégienne et « States of minds » est le troisième album de la formation Møster!, après « Inner Earth » (2014) et « When you cut into the present » (2015).
On parlait au début de John Coltrane, car c’est bien du légendaire saxophoniste qu’il s’agit ici, avec ce double album qui propose une dizaine de titres, dont les imposants « Brainwave entertainement » et « Life wooble » qui débutent chaque disque dans des délires de plus de vingt minutes, typiquement coltraniens mais avec une dimension moderne incontestable. Møster est à la tête d’un club de musiciens qui constituent en fait un super-groupe : Hans-Magnus Ryan (Motorpsycho) à la guitare, Nicolai Hængsle (Elephant9, Bigbang) à la basse et Kenneth Kapstad (Motorpsycho, Grand General) à la batterie. A ces gens s’ajoute Jorgen Træn (synthétiseur, guitare lap steel) qui opère également derrière la console. Au saxophone, Kjetil Møster lance des intonations feutrées et se fond discrètement dans une masse musicale impressionnante, où effets électroniques, basse obsédante, polyrythmie tambourinante et expéditions punitives de guitare donnent au disque son caractère aventureux et puissant. Il n’y a donc pas que du Coltrane là-dedans, mais des influences en provenance directe de vieux maîtres chevelus des années 70, comme Soft Machine.
Outre les deux morceaux de plus de vingt minutes ouvrant les disques, d’autres titres captent l’attention avec force, comme le massif « Unhorsed by chivalry » et ses neuf minutes de progression électrique, le tourbillonnant « Bow shock » ou l’insaisissable « What a flop waking up » qui termine un second disque plus sage et rêveur que le premier.
A la fois résolument projeté dans l’avenir mais enrichi de solides racines jazz-rock seventies, cet album de Møster vous montera facilement au nez. L’œuvre vient de chez Hubro, le label norvégien moderniste jazz par excellence.
Pays: NO
Hubro Music
Sortie: 2018/09/28