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ANGELUS APATRIDA – Cabaret de la guillotine

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Dix-huit ans d’expérience au service du thrash metal, six albums dans la besace, une approche spécifique du thrash grâce aux origines espagnoles du groupe : tous ces atouts font d’Angelus Apatrida une force motrice dans la redéfinition du thrash metal des années 80 et son évolution pour l’avenir. En la matière, Angelus Apatria a montré tout son savoir-faire et sa science du riff qui tue au travers de ses excellents albums « Evil unleashed«  (2006), « Give ‘em war«  (2007), « Clockwork«  (2010), « The call«  (2012) et « Hidden evolution«  (2015). Cette année, le groupe revient avec son sixième album ?Cabaret de la guillotine? qu’il défend comme celui de la maturité. C’est très bien, mais ce genre d’album apparaît souvent comme un virage délicat qu’il faut savoir négocier finement, sinon c’est l’atterrissage dans le fossé. Ici, nous allons voir que ce fameux album de la maturité a laissé quelques enjoliveurs sur le bitume car le virage a été pris avec un peu trop d’assurance.

Après une harassante tournée de deux ans destinée à promouvoir l’album ?Hidden evolution?, Guillermo Izquierdo (chant et guitare), José Izquierdo (basse), David Alvarez (guitare) et Victor Valera (batterie), ont passé toute l’année 2017 à imaginer l’album suivant. C’est Guillermo Izquierdo qui a été le plus sollicité, vu que c’est lui la tête pensante du groupe et le principal rédacteur des chansons. Observant le monde, cherchant l’inspiration, le chanteur a pondu les nouveaux titres au fur et à mesure que l’inspiration daignait bien vouloir taper à la porte de son imagination. Les récents événements espagnols, notamment la crise catalane et toute la réaction nationaliste qu’elle a suscitée en Espagne, a beaucoup touché Guillermo Izquierdo, qui aurait aimé voir son pays échapper au franquisme.

C’est environné de ces lourds sentiments qu’Angelus Apatrida se pointe dans ses studios personnels pour concocter le nouvel album pendant deux mois, entre décembre 2017 et février 2018. C’est l’habituel producteur Daniel Cardoso qui mixe et mastérise le disque, à l’issue d’un processus d’enregistrement difficile, où le groupe a essayé de cogiter en profondeur la structure de ses morceaux.

Et le résultat de tout cet effort… est sujet à caution. Quand un groupe de thrash metal commence à penser trop longtemps à des morceaux qui devraient jaillir instinctivement, on risque fortement de diverger vers de l’insipide, de l’ennuyeux, bref finir comme Metallica qui met maintenant environ huit ans pour réaliser un album qui n’arrive jamais à dépasser ses trois immenses premiers disques. Oui, Angelus Apatrida, conscient de son poids sur la scène thrash européenne, a eu raison d’imaginer un niveau supérieur. Mais il a peut-être oublié qu’il était une sommité du thrash metal, c’est-à-dire le genre musical qui est fait pour frapper très vite et très fort dans un processus de violence primaire non calculée. On ne met pas trois ans pour faire un album de thash metal, on n’est pas chez les progueux, ici.

Et donc, on l’aura compris, ce nouvel album d’Angelus Apatrida me laisse un peu sur ma faim. Le groupe a composé dix titres dont près de la moitié atteint ou dépasse les six minutes. Pour un groupe de thrash, c’est déjà assez inquiétant. L’idée de base établie sur le souvenir de la guillotine est assez intéressante. Le titre rappelle ici que durant la Révolution française, le public venait tranquillement grignoter son déjeuner en assistant aux décapitations enchaînées à tour de bras sur la place de Grève (maintenant appelée Place de la Concorde à Paris). Dans la foulée, le groupe s’est doté d’une pochette particulièrement indigeste rappelant ces temps funestes.

D’un point de vue musical, Angelus Apatrida propose ici ne brochette de titres qui occupent l’auditeur durant 52 minutes. C’est une longue durée qui risque dangereusement de vérifier le théorème de Sergeant Pepper qui veut qu’au-delà de 37 minutes, le risque de lassitude prend une courbe exponentielle au fur et à mesure qu’on rajoute des minutes dans la durée. Et tout ce qui arrive après ces 37 minutes est souvent du remplissage. On trouve ici un peu de ce remplissage sur certains morceaux trop longs et on découvre avec effroi que les gens d’Angelus Apatrida ont osé ajouter dans leurs refrains de la mélodie digne des plus insupportables groupes de metalcore (pléonasme). Un morceau comme ?Betrayed? cumule les deux défauts et porte en quelque sorte bien son nom pour les authentiques fans de thrash metal. Dans le genre un peu poussif et aussi dangereusement chargé en mélodies metalcore, on trouve ?Downfall of the nation?. Ajoutons aussi ?Farewell?, ballade compassée, parmi les titres qui plombent quelque peu la dynamique de ce ?Cabaret de la guillotine?. D’autres morceaux sont plus traîtres, dans le sens qu’ils proposent un excellent thrash metal, soudain douché par un refrain honteusement mélodique (?The die is cast?, ?Martyrs of Chicago?). Lorsqu’Angelus Apatrida est au mieux de sa forme, on sent qu’il reste quand même toujours influencé par Testament, qui a toujours été un modèle pour le groupe (?The hum?, ?Witching hour?).

Sinon, point quand même positif de cet album, le son est impeccable et les solos de guitares sont d’une grande virtuosité, tout comme la batterie qui s’aventure avec réussite dans certaines déconstruction rythmiques. Certes, ce disque est loin d’être mauvais, c’est simplement jusqu’à présent l’œuvre la moins convaincante d’Angelus Apatrida, selon mon modeste point de vue. Pas de souci, ce genre de panne est arrivé aux plus grands, à Machine Head, à Slayer, à Megadeth, à Black Sabbath, et ils sont toujours revenus encore plus forts que jamais à un certain moment de leur carrière. Alors, bien aimé Angelus Apatrida, n’est-ce-pas que tu vas revenir prochainement plus fort que jamais ? Le contraire serait dommage, très dommage.

Pays: ES
Century Media
Sortie: 2018/05/04

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