MHONOS – LXXXVII
La ville de Rouen contient dans ses bas-fonds un étrange combo drone metal et ambient du nom de Mhönos. Les types de promènent avec des capuches de moines, profèrent une musique lancinante, lourde et lente, avec du chant en latin et sont sans doute aussi optimistes envers le genre humain qu’un croque-mort dépressif en phase terminale de cancer généralisé. Bref, tout cela se révèle bien intéressant.
C’est un certain Stéphane Gouby qui est à l’initiative de ce groupe dont les membres se plaisent à porter des pseudonymes monacaux comme Frater Erwan, Frater Bertrand, Frater Nikaos, Frater Cain ou Frater Stéphane, pour ce qui est de Gouby. Au chant (ou plutôt à la litanie lugubre), on fait connaissance avec un certain Necropiss, un garçon au surnom guilleret et souriant qui a aussi opéré dans des combos comme The Arrival Of Satan, au début des années 2000.
Mhönos commet ici son troisième album, après les inquiétants « Misere nostri » (2010), « Humiliati » (2012) et le live « Rotomagus ritualis », Rotomagus étant le nom latin de Rouen (un groupe heavy psychédélique du coin avait opté pour ce nom dans les années 70). Le latin est en effet une des petites obsessions de Mhönos, qui combine cette langue avec de longues processions répétitives de rythmiques tribales, ce qui aboutit à faire de son style un exemple de ritual ambient, sous-genre de drone dont les racines remontent à la moitié des années 70, avec The Nazgul, pour se poursuivre dans les années 80 avec Psychic TV et ensuite essaimer sur des dizaines de groupes, du genre Lustmord ou Hypnotic Implant. Là où l’indus domine encore les propos de ces combos, Mhönos opte résolument pour une approche morbide et hypnotique. La voix de Necropiss est déchirée et hystérique, en pleine récitation de textes désespérés en latin. Ici, il n’est pas question du « Credo in unum deum » ou du « Salve Regina, mater misericordiae », on est plutôt dans les entrailles infernales et dans des ambiances occultes.
L’album « LXXXVII » (87, pour ceux qui ont du mal avec les chiffres romains) affiche déjà un titre mystérieux et se divise en quatre parties numérotées de I à IV. On passe successivement de lourds roulements de tambours répétés à l’infini à des successions de notes de guitares pointillistes suffisamment hachées pour bien tendre les nerfs. Necropiss est moins présent sur la deuxième partie de l’album (également disponible en cassette) mais se révèle plus hargneux. Il terminera dans des respirations rauques et essoufflées sur la dernière phase de l’œuvre, comme l’annonce d’une mort imminente.
Cet album s’adresse donc à un public plutôt averti, versé dans les sonorités inhabituelles et déjantées. La robe de bure est de rigueur, ainsi que des chandelles noires. Une petite cave voûtée et quelques crânes seront aussi bienvenus pour compléter une écoute sereine de ce disque venu du monde d’en bas.
Pays: FR
Zanjeer Zani Productions
Sortie: 2018/03/16