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GNAW THEIR TONGUES – Genocidal majesty

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Un coup de scalpel porté sur l’abcès grouillant de la musique ambient – expérimentale – extrême – avant-gardiste contemporaine met à jour un nouvel artiste au passé très lourd, dans tous les sens du terme. Cela faisait quelques temps que j’entendais parler de Gnaw Their Tongues mais, vous savez ce que c’est, entre tous les groupes à écouter, le boulot, la famille, le visionnage intégral des films de Roger Corman et la relecture de Bergson, on n’a jamais le temps d’aller au fond des choses. Le fond, on y arrive ici, avec la découverte – enfin! – de Gnaw Their Tongues et du sorcier qui est derrière ce projet, Maurice De Jong.

Ce dernier est néerlandais, né en 1973 au Suriname, alors que ce pays d’Amérique du Sud était encore une colonie néerlandaise (l’indépendance intervenant deux ans plus tard). Maurice De Jong, connu aussi sous le sobriquet de Mories, commence à jouer dans des groupes en 1988, principalement dans un registre métal extrême. Le doom metal ne tarde pas à prendre une place importante dans l’inspiration de Maurice De Jong, qui lance en 1993 son premier projet solo, Astral. Influencé par le groupe de black metal grec Necromantia, De Jong fait un usage exclusif de la basse, qui remplace la guitare. En 1996, il crée Opchiuchus, un autre projet solo qui inaugure une longue série d’aventures en solitaire. La liste qui suit énumère des projets qui sont tous officiellement toujours actifs : De Magia Veterum (2003), Gnaw Their Tongues (2004), Aderlating (2008, monté avec le claviériste Eric Eijspaart), Cloak Of Altering (2010), Seirom (2011). Mais ce n’est pas tout. Maurice De Jong crée autant de projets qu’il a d’idées musicales en tête et il faut aussi mentionner l’existence de Malorum, Pyriphlegethon, Caput Mortuum, Canticle, Offerbeest ou Hagetisse. Si on additionne seulement les disques longs formats nés de tous ces combos, on se retrouve avec près de 45 albums à mettre au compte de Maurice De Jong. Avec les EPs en plus, on remplit une étagère entière de discothèque…

C’est donc à une force de la nature musicale que nous avons affaire ici, un personnage qui a 200 idées par jour et qui crée 200 groupes différents pour les satisfaire. Car Maurice De Jong est un schizophrène de haut vol. Il a son groupe pour le black metal, un autre pour les choses plus romantiques, etc. Et pour se lâcher totalement, il a Gnaw Their Tongues. Ici, il faut s’accrocher à la tringle à rideaux parce que ça secoue franchement, à la fois au niveau de la puissance colossale du son, de la violence ultime du chant et de l’extrémisme du projet, volontiers bruitiste et industriel. On imagine le Dillinger Escape Plan en choc frontal avec Einsturzende Neubauten, avec un peu de Fantomas et de Melvins pour la décoration finale.

Gnaw Their Tongues, qui tire son nom d’une expression tirée de l’Apocalypse de Saint-Jean, occupe le gros du temps de travail de Maurice De Jong. « Genocidal majesty » est le onzième album de Gnaw Their Tongues, faisant suite à « Spit at me and wreak havoc on my flesh » (2006), « Reeking pained and shuddering » (2007), « An epiphanic vomiting of blood » (2008), « All the dread magnificence of perversity » (2009), « To rend each other like wild beasts, till Earth shall reek with midnight massacre » (2009), « L’arrivée de la terne mort triomphante » (2010), « Per flagellum sanguemque, tenebras veneramus » (2011), « Eschatological scatology » (2012), « Abyss of longing throats » (2015) et « Hymns for the broken, swollen and silent » (2016). Noms compliqués, titres polyglottes, impression de décadence macabre : voilà ce qui constitue le régime de Gnaw Their Tongues.

Le nouvel album ne déroge pas à cette règle et ses neuf titres plongent l’auditeur dans le bouillonnement putride d’un purgatoire sonore peuplé de hurlements, de dissonances bruitistes, de gigantesques grondements électroniques et de rythmes hachés, allant parfois jusqu’à une cadence d’une rapidité hallucinante. Mories réalise tout lui-même, il est seul mais il fait tellement de boucan qu’on a l’impression d’avoir affaire à une armée entière de démolisseurs en gros. Côté ambiance, le chaos vient gifler nos tympans et l’horreur dégoulinant du chant hurlé et des masses sonores surgit du tréfonds de la terre n’a pas son pareil pour flanquer une trouille bleue. S’imaginer l’enfer est chose difficile, le siège d’une grande banque ou la banlieue de Damas peuvent servir de piste mais on ne sait pas vraiment quel est le véritable enfer, s’il existe. Maurice De Jong et son Gnaw Their Tongues sont de leur côté très bien partis pour lever un coin du voile qui cache cet univers effrayant, par la seule puissance évocatrice d’une musique insensée. C’est du grand art.

Pays: NL
Consouling Sounds
Sortie: 2018/02/09

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