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ORPHANED LAND – Unsung prophets and dead messiahs

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Oui, vous lisez ici une chronique d’un album d’Orphaned Land sur Music In Belgium qui n’a pas été rédigée par Michel Serry. Je m’excuse déjà platement auprès de mon éminent collègue de marcher sur ses plates-bandes en m’aventurant dans l’analyse d’un de ses groupes préférés, d’autant que je suis peu habitué à la musique d’Orphaned Land. J’espère que l’œil de Sauron qui observe tout et qui m’a vu pénétrer par effraction sur des terres sacrées n’abattra pas trop vite sur ma misérable échine sa vengeance suprême. Mais j’ai une excuse : il faut bien connaître un jour Orphaned Land, le plus célèbre des groupes de métal israélien, et un des plus influents dans notre époque moderne. Et vu la qualité de leur dernier album, il faut aussi en parler.

Après avoir percé au-delà de sa terre d’origine en 2004 avec son grand album « Mabool », Orphaned Land a consolidé avec brio sa réputation de groupe fondamental de la scène métal, avec son style alliant progressivité, folklore traditionnel oriental et métal à l’occidental, flirtant parfois avec l’extrême. Car les extrêmes sont en quelque sorte la spécialité d’Orphaned Land, en ce qu’il a appris à les réunir dans une optique d’apaisement et de réconciliation. Que ce soit par l’association de styles musicaux antagonistes, par le discours cherchant à unir les croyances religieuses souvent irréconciliables (christianisme, judaïsme, islam) ou par l’habileté à dénoncer les dérives de notre monde et de ses dirigeants, Orphaned Land a acquis le respect d’une grande partie du public métal. On citera encore l’autre grand album du groupe dans cette perspective, « The never ending way of ORwarriOR« , paru en 2010 sur le label Century Media (qui avait aussi sorti « Mabool » et qui a contribué à la popularité d’Orphaned Land dans le monde occidental).

Le chanteur Kobi Farhi et son acolyte bassiste Uri Zelcha, fondateurs du combo en 1991, sont ici de retour avec Matan Shmuely (batterie), Chen Balbus (guitares et instruments orientaux) et Idan Amsalem (guitares et bouzouki, arrivé après la sortie du dernier album « All is one«  de 2013). Si ce précédent album avait un peu laissé les amateurs du groupe sur leur faim en raison d’une primauté grandissante de la musique orientale sur le heavy metal authentique, on peut rassurer ces derniers en annonçant ici un album qui remet les pendules à l’heure et retrouve les sonorités et le style qui ont fait la notoriété d’Orphaned Land. A commencer par la production de l’album, due à la maîtrise de Jens Bogren qui a travaillé sur la console avec le groupe lui-même. Pour rappel, Jens Bogren est un des monstres sacrés de la production métal contemporaine, avec des collaborations impliquant Opeth, Dimmu Borgir, Sepultura, Arch Enemy, At The Gates, Katatonia, Babymetal, Soilwork, James LaBrie, Moonspell, God Forbid, Kreator, Devin Townsend, Ihsahn, Dark Tranquillity, Paradise Lost, Amon Amarth, Dragonforce, The Ocean, Haken, Rotting Christ, Symphony X, Myrath, Angra, on ne va quand même pas vous faire un dessin…

Autre aspect remarquable, la superbe pochette qui livre visuellement de nombreux indices sur le contenu de l’album. Quand on sait qu' »Unsung prophets and dead messiahs » est un album concept qui parle des idoles d’aujourd’hui, stars bimbos siliconées à QI de kangourou, politiciens véreux présidents de grandes puissances mondiales ou raconteurs d’histoires en tous genres, qui prennent aujourd’hui le pas sur les authentiques porteurs de paix et de vérité. La couverture de l’album se situe donc dans cette optique, avec les symboles de l’industrie (des roues dentées et des engrenages), de la guerre (des revolvers vus de face, pointés directement sur celui qui regarde la pochette) et les images de la pyramide et de l’œil qui voit tout (cité dans la chanson « All knowing eye »), qui rappellent l’ésotérisme terrestre des sociétés secrètes, concurrentes des religions et cherchant à se hisser à la place de Dieu. Et au milieu de tout cela, un poing se lève pour manifester la colère de ceux qui subissent tout ce spectacle profanateur, destructeur et quasi-sataniste.

Musicalement, Orphaned Land livre ici treize titres de haut vol, entraînés par une progression cohérente et liés à un storytelling à qui rien ne résiste. Tout est déjà en place dès les premiers morceaux, « The cave », « We do not resist » ou « In propaganda ». Voix féminines superbes, rythmiques puissante et violons orientaux nous emmènent au Levant, dans les tempêtes de sable et dans les temples mystérieux dissimulant les secrets de l’humanité. Cette phase puissante laisse peu à peu la place à des moments plus calmes (« All knowing eyes », « Yedidi »), où l’on pourrait d’ailleurs voir un peu plus de mièvrerie. Mais on se rattrape très vite avec une série d’autres grands morceaux qui font intervenir des invités prestigieux. Steve Hackett (Genesis) vient chatouiller le manche sur le superbe « Chains fall to gravity », neuf minutes de folk rock solidement rythmé. Hansi Küsch de Blind Guardian emplit « Like Orpheus » d’un dramatisme grandiloquent et Tomas Lindberg d’At The Gates lâche un flot d’agressivité envoûtante sur « Only the dead have seen the end of war ».

On reste accroché à cet album tout au long de l’heure durant laquelle il nous emmène dans des paysages musicaux variés et toujours très prenants. Alternant courses épiques et passages plus recueillis où les harmonies vocales frôlent le sublime, « Unsung prophets and dead messiahs » marque le retour d’Orphaned Land vers un très haut niveau de création et d’inspiration. Après plus de 25 ans d’existence, ce groupe a toujours l’imagination, la verve et l’énergie pour entretenir avec brio les abords de la croisée des chemins entre genres métalliques, cultures et espoirs de tous horizons. Mazel tov!

Pays: IL
Century Media
Sortie: 2018/01/26

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