KORTO – Korto
La profusion de groupes rock de tous acabits qui envahit la Toile (sur Bandcamp, une œuvre – morceau, EP, single, album – est chargée en moyenne sur le site toutes les deux secondes) atteint une telle masse prodigieuse qu’il est bien évidemment impossible de tout suivre. J’envie les jeunes qui, en mai 1954, ont acheté le premier 45 tours de Bill Haley & The Comets et qui ont eu en main pendant quelques jours la totalité du rock ‘n’ roll. Aujourd’hui, l’exhaustivité n’est plus possible, il faut être soit milliardaire (comme ce Brésilien qui possède six millions de disques entreposés par palettes entières dans des hangars géants), soit ultraspécialisé (collectionner l’œuvre intégrale des Olivensteins ne revient qu’à un 45 tours d’époque – 1978 – et un CD posthume paru il y a quelques années). Il ne reste plus que la chance pour pouvoir s’émerveiller de temps en temps devant un disque que l’on attendait pas, que l’on ne connaissait pas et qui était perdu dans les myriades de disques constituant la galaxie rock.
Avec Korto, trio français composé de Clément Baltassat (basse et chant), Marius Mermet (guitare et chant) et Léo Moriaud (batterie), on tombe sur ce petit coup de bol, le truc inattendu qui va réveiller les tympans, remettre les hanches en route et faire tripper aux confins d’un krautrock énervé, d’un cyber-punk cosmique ou d’un afro-beat psychédélique. S’il faut quand même tenter une comparaison, on dira que ces gaillards sont allés chaparder quelques fruits dans les vergers de King Gizzard & The Wizard Lizard (« Denzzzl », « A40 »). Le combo se glisse facilement dans des morceaux gonflés à l’hélium qui sont capables de partir sur de longues distances au galop (« Fresque »), lâchant frénétiquement des essaims de guitares mordantes. La rythmique ne débande jamais, entraînant dans sa course la guitare et la basse qui ne pensent qu’au mur du son. Chacun des sept morceaux a son petit potentiel tapageur, même quand on décolle vers des sphères plus hautes (« Dollonde ») ou que l’on termine avec les huit minutes de l’imposant « Oï », hanté par un psychédélisme tendu et traversé par des changements de rythmes ou d’atmosphères qui nous emmènent tout droit en pleine conquête de Pluton à coups de bazookas thermonucléaires.
Korto avait déjà réalisé un morceau (« Tajine ») l’année dernière, sur un single partagé avec le groupe Don Glow. Le voilà cette année avec un premier album, entre l’EP et le long format (34 minutes, sept titres), qui pèse néanmoins assez lourd par la qualité de son contenu.
Pays: FR
J & S Records
Sortie: 2017/11/17