SAVAK – Cut-ups
Voici un album qui va réclamer un peu d’attention car ce qu’il y a dedans est tout simplement excellent. « Cut-ups » est le deuxième album du quatuor brooklynien Savak, formation dont les membres ont déjà un peu d’expérience dans la besace. Un petit passage en revue des CV de ces musiciens va d’ailleurs permettre de lever le voile sur quelques pans intéressants de la scène souterraine post-hardcore américaine des années 1990 et 2000.
Sohrab Habibion est actif depuis 1989 dans des groupes comme Edsel (de Washington DC, séparé en 1997) ou Obits (de Brooklyn, en activité entre 2006 et 2015). Michael Jaworski (guitare) a été vu dans The Cops (créé en 2004 à Seattle) ou Virgin Islands (un album en 2011). Le guitariste James Canty est assez décoré puisqu’il a trois groupes à son actif : The Nation Of Ulysses (petit groupe de hardcore actif à Washington DC entre 1988 et 1992), Ted Leo & The Pharmacists (un pilier de la scène punk de Washington DC, avec huit albums parus depuis 1999) et The Make-up (encore un groupe de Washington DC, formé en 1995 puis détruit et reconstruit régulièrement). Enfin, Matt Schulz a écrasé les tambours chez Enon (un groupe de Brooklyn, actif entre 1988 et 2011, ayant aussi eu dans ses rangs Toko Yasuda de Blonde Redhead) et chez Holy Fuck (un groupe électro/post rock de Toronto créé en 2005). Si on compte les albums de tous ces groupes, on se retrouve avec une petite vingtaine de disques oscillant entre garage punk, post-hardcore ou indie rock.
C’est un peu tout cela que l’on retrouve chez Savak (dont le nom est inspiré des services secrets iraniens de l’époque du Shah, avant la révolution islamique de 1979) qui vient d’enrichir la culture internationale de cet album « Cut-ups », successeur de « Best of luck in future endeavours », sorti en mai 2016. Ce premier album avait reçu quelques brassées de lauriers de la part de la critique, qui ne devrait pas manquer d’être aussi généreuse avec ce deuxième opus pertinent, sincère et intelligent. Un rien plus subtil que son prédécesseur, « Cut-ups » reprend néanmoins les bonnes recettes de guitares directes et de chant carré et mélodieux qui rendent instantanément reconnaissable le style du groupe. Niveau influences, on peut y repérer des combos comme The Fall, Television, Gang Of Four, Mission Of Burma, les Byrds, Love, Agent Orange ou le Gun Club, joli mélange. Savak propose un rock développé à partir de fragrances post-punk enlevé (« Sick of war »), de garage surf sixties tout en finesse (« Keys to the city »), avec des interventions saxophoniques intenses (« Like Gary Wilson said ») ou du hardcore attendri mais toujours vibrant (« I wanna exist »). Les guitares accrochent l’oreille sur des passages sarclés avec style et classe (« Christo’s peers ») alors que la batterie toujours sous tension balance du rythme métronomique sans jamais défaillir (« They are bones », « Loma Prieta »). Les textes ne racontent pas n’importe quoi mais tendent à faire dans le critique, voire le désespéré (« I don’t want to be defended », « I left America »).
Sans grandes fioritures mais reflétant parfaitement l’osmose entre des musiciens qui se sont bien trouvés, cet album nous fait faire connaissance avec un groupe intéressant et concerné. La maturité, en quelque sorte.
Pays: US
Ernest Jenning Record Co.
Sortie: 2017/10/27