VARIOUS ARTISTS – Brown Acid: The fifth trip
En matière de heavy rock psychédélique ultra-obscur de la période 1966-73, je prétends en connaître un petit rayon. Mais ce rayon devient toujours plus petit au fur et à mesure que je découvre de nouveaux groupes, souvent au hasard du Net ou sur des compilations toujours plus nombreuses, qui ne font que me révéler l’étroitesse de ma connaissance de ce vaste sujet. Les années 1966-1973 virent effectivement se former le hard rock, tel qu’on le connaissait à la fin des années 70. Cette maturation prit corps avec l’apport du blues, du rock progressif et du rock psychédélique, assaisonnés à la sauce forte et amplifiés à grands coups de Marshall, tordus à grands renforts de pédales fuzz et blindés par une production qui ne fut pas toujours des plus propres, surtout pour les groupes dont nous allons parler ici à l’occasion de la sortie de ce cinquième volet des compilations « Brown Acid ».
C’est le label RidingEasy Records qui a lancé cette série il y a deux ans, rejoignant la cohorte incommensurable des petites maisons qui émettent dans les couches basses de l’atmosphère tous ces rassemblements de groupes proto-hard rock ou heavy psychédélique qui peuplèrent la fin des années 60 et le début des années 70. C’est bien simple, ces groupes sont innombrables et ils furent des tas à prendre la route de l’oubli après avoir sorti juste un 45 tours diffusé dans les cinquante kilomètres autour du village d’origine, ou plus modestement après avoir enregistré un acétate qui ne dépasserait les portes du studio que trente ou quarante ans après avoir été conçu. Les historiens des premiers temps du hard rock qui se sont spécialisés dans ces groupes obscurs et pour qui Led Zeppelin, Black Sabbath ou Deep Purple n’ont aucun intérêt parce qu’ils sont décidément trop connus vont tenter de vous impressionner avec des noms comme Mayblitz, Quatermass, Budgie, Sir Lord Baltimore, Andromeda, Toe Fat, Granicus, Blackwater Park, Dies Irae, Speed Glue & Shinki, Blues Creation, Silberbart, Bang, Power Of Zeus, Buffalo ou Wizard From Kansas, pour n’en citer que quelques-uns.
Mais ces groupes, comparés à ceux que l’on trouve dans les compilations « Brown Acid », font eux-mêmes figurent de superstars archi-connues. Ici, dans ce cinquième volume (comme d’ailleurs dans les quatre précédents), on aborde l’over-ultra obscur, les groupes à un single, les préposés aux oubliettes, les maudits du vedettariat, les autistes surdoués ou tout simplement les parias adorateurs d’un gros son anti-commercial et produit dans une cave à l’aide d’un dictaphone.
Nous voici donc partis à la rencontre des mystérieux Captain Foam (Ohio, un seul single vers 1967), Fargo (groupe américain sans origine précise, un single non-daté), Lance (Ohio, un single en 1974) ou les encore plus obscurs Cybernaut et Thor, dont on ne sait rien. Pour Thor, il existe une minuscule probabilité qu’il s’agisse du groupe du culturiste John Mikl Thor, qui déroula une longue carrière heavy metal à partir de 1977. Mais ce n’est pas certain du tout.
D’autres combos sont un peu plus connus, en raison de leur présence dans de précédentes compilations, comme les fameuses « A deadly dose of wylde psych » (2003), pour Finch (de Milwaukee, un single en 1968), « A lethal dose of hard psych » (1999) pour Mammoth, excellent groupe texan auteur de deux singles en 1970, ou la troisième compilation « Punk 45 » de 2014, qui parlait déjà de George Brigman. Ce personnage est sans doute le plus médaillé de toute cette compilation, avec carrément des albums complets à son actif (dont le crasseux et brutal « Jungle rot » de 1975). Ici, on le retrouve en compagnie du groupe Split en 1977 pour une chanson extraite d’un 45 tours (« Blowin’ smoke », qui veut tout dire).
Une autre petite pépite est cette reprise de « Helter skelter » des Beatles par Zebra, un groupe de Los Angeles auteur d’un seul single en 1969 et qui comprenait à la guitare un certain Timo Laine. Les historiens du hard rock reconnaîtront ce monsieur comme ayant créé le mythique groupe prog Symphonic Slam en 1976 et ayant commis en 1978 le non moins mythique album solo « SS II », un truc qui donne des sueurs froides aux geeks qui ne le possèdent pas. M’en fous, je l’ai…
Donc, si le hard rock seventies est votre truc mais que vous avez fait le tour de tous ces Led Zeppelin, Uriah Heep, Alice Cooper, Cactus, Grand Funk, Scorpions, Free, Bad Co et autres, plongez-vous dans les profondeurs de l’inconnu avec ce genre de compilation. On peut donc commencer par les compilations « Brown Acid » mais on peut aussi se laisser tenter par les compilations « Rubble » et « Circus days » (psychédélisme anglais), le coffret trois CD « I’m a freak, baby » sorti en 2016 (proto hard rock anglais) ou « Mindrocker » (recueil de treize CD consacrés au garage punk et psychédélique américain Sixties), pour ne citer qu’une infime partie de la masse de ces compilations d’utilité publique. Et pourquoi pas quelques sites web dont le très pointu The Day After The Sabbath. Tous à vos pioches, et creusez!
Pays: US
RidingEasy EZRDR-085
Sortie: 2017/10/31