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GREAT HARRY HILLMAN, The – Tilt

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Ici, on va ranger les clés à molette, se laver les mains, abandonner le bleu de travail ou le Perfecto graisseux pour lui substituer une sage chemise bleue et un pantalon de velours, chausser de grosses lunettes d’ingénieur et se mettre la cervelle en mode premier de la classe car ça va méchamment virer intello avec The Great Harry Hillman, un groupe qui a à son actif plusieurs motifs de s’extasier. D’une part, il est suisse et d’autre part, il pratique un post-jazz qui ferait passer Frank Zappa ou Miles Davis pour des compositeurs hard FM californiens.

Composé de Nils Fischer (saxophone), David Koch (guitare et effets), Samuel Huwyler (basse) et Dominik Mahnig (batterie), The Great Harry Hillman sévit à Lucerne depuis 2009. Il tire son nom d’Harry Hillman (1881-1945), un athlète américain qui reçut trois médailles d’or aux jeux olympiques de 1904 dans la discipline du saut de haies. Les Jeux Olympiques de 1904 furent les premiers à être tenus en dehors de l’Europe, à savoir à St Louis aux Etats-Unis. Ce n’est pas trop exceptionnel puisque ces jeux furent les troisièmes de l’ère moderne après le rétablissement des jeux olympiques par Pierre de Coubertin en 1896. On ne sait pas trop pourquoi nos amis suisses ont choisi ce nom mais le domaine sportif peut être un intéressant créneau pour les groupes en mal d’appellations originales. On pourrait ainsi imaginer The Eagles of Hussein Bolt ou les Legendary Cassius Clays, ou encore Eddy Merckx Wears Prada, il y a plein de possibilités.

Mais The Great Harry Hillman n’a pas besoin d’un tel nom pour être original. Sa musique suffit. Le style du groupe exploite les arcanes d’un jazz-rock avant-gardiste qui n’hésite pas à s’enfoncer dans des compositions à tiroir complètement déroutantes. Après les albums « Livingston » (2013) et « Veer of course » (2015), le quartet helvète propose cette année « Tilt », un titre simple qui cache pas mal de choses complexes. Rien que les titres des morceaux posent question. Que peuvent bien représenter des instrumentaux qui portent les noms de « The new fragrance », « How to dice an onion » ou « Moustache »? Mais ceci a peu d’importance au regard de l’enchaînement pertinent des morceaux qui tissent un ensemble cohérent et dynamique. Les musiciens agissent en parfaite osmose et lancent des thèmes qui servent d’appât à un goût prononcé pour l’improvisation. Le batteur est versatile et réactif, capable de rebondir et de repartir au moindre changement de rythme. La guitare de David Koch est volontiers atmosphérique, tantôt chahuteuse, tantôt rêveuse ou apte à jaillir dans des envolées tendues, comme sur l’excellent « 354 ». Tout cela est solidement compartimenté par une basse rigoureuse et caoutchouteuse qui joue autant pour elle-même que pour le bien commun des morceaux. Mais celui qui se fait sans doute le plus remarquer est Nils Fischer et son saxophone aventureux et suave, qui sait se retirer du devant de la scène pour participer plus discrètement aux improvisations quand The Great Harry Hillman daigne décoller vers du plus indomptable, ce qu’il fait souvent.

Prenant, captivant, intéressant, on fait défiler les adjectifs pour apprécier cet album qui est sans doute le plus abouti du quartet suisse jusqu’à ce jour. Si vous appréciez des formations comme Tortoise, Radian ou des artistes modernes comme Mary Halvorson ou Nik Bärtsch’s Ronin, The Great Harry Hillman pourrait bien faire un petit bout de chemin dans vos oreilles, pour votre plus grand plaisir.

Pays: CH
Cuneiform Records
Sortie: 2017/05/26

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