ICEBERGS – Requiem
Avec ce titre, on s’attendait à un groupe islandais jouant du doom metal funéraire. Mais la photo de l’album « Requiem » d’Icebergs nous montre des gens bien comme il faut, rangés derrière une mystérieuse chanteuse blonde platine qui semble sortie d’un roman de Raymond Chandler ou de Dashiell Hammett. Tout cela s’annonce subtil, complexe, déroutant. Et en effet, le jazz-rock tonique et technique de ces Parisiens ne va pas tarder à captiver les oreilles et mettre en mouvement toutes sortes de sensations corporelles, comme le balancement des hanches, le tapotement des pieds ou l’oscillation des vertèbres cervicales. Et puis aussi quelques onomatopées comme « Wouah! », « Glarg! », « Oh! », autant de choses qu’il va falloir traduire en termes plus littéraires.
Mathilde Borsoni (chant), Elliott Stoltz (guitare et chant), Lorenzo Liuzzi (claviers et cajon), Georges Dessaux (basse) et Arnaud Bichon (batterie) ont convoqué pas mal de monde sur cet album qui est sans doute le premier d’une série qu’on espère longue. Outre le quintet aux manettes, on voit passer six choristes (dont une bonne partie de la famille Borsoni), une petite section de cuivres (trombone, trompette, saxophone) et même l’ensemble Claudio Monteverdi de Venise qui vient donner de la grandeur au dernier morceau « Requiem », qui termine l’album de la même façon que « The show is over », c’est-à-dire de manière épatante.
Justement, commençons par ce premier titre. Ça démarre sur les chapeaux de roue avec une rythmique rapide et capricieuse, servie par une grosse guitare compressée qui introduit des bribes de heavy metal dans une soul pleine de panache, tout de suite marquée par la formidable voix de Mathilde Borsoni. Le morceau abandonne sa linéarité avec un break de piano bluesy qui nous fait croire qu’on en est déjà à la deuxième chanson. Mais non, c’est tout simplement Icebergs qui nous démontre sa très grande volatilité dans l’écriture. Et les ambiances variées vont se succéder au cours de cet album qui reste néanmoins toujours très cohérent du fait de la qualité des musiciens : chant somptueux, calibrage soigné des rythmes, fulgurance des solos de guitare et vaste culture stylistique.
Swing et cuivres s’invitent sur « Going down », le batteur fait péter tous les rivets de son kit sur « Queen of the mean », une contrebasse torride replonge tout le monde dans les suavités tropicales de « Blue whisper », la guitare nous fait sa petite crise de funk rock sur « It’s not enough », tout cela sur lit de cuivres pétaradants. Le mieux, c’est que vers la fin de l’album, les gens d’Icebergs ont encore conservé des pommes pour la soif. « Feather » associe guitare hendrixienne et big band cuivré qui finit par prendre le pouvoir en milieu de morceau avant de laisser la place au mystère des voix gospel. Excellent. « Mr & Mrs Sunshine » repose sur les harmonies vocales et vogue sur un lit de guitares acoustiques vivifiantes et soyeuses. Et ce n’est pas fini, avec le superbe « Sometimes » qui convoque une trompette à la Miles Davis accompagnant une poignante ballade dominée par le chant de Mathilde Borsoni, capable d’aller défier le fantôme d’Amy Winehouse. Le morceau évolue dans un blues rock qui finit englouti sous le son puissant d’une guitare hard rock colérique et habile. Mais on ne va pas se quitter comme ça, vous reprendrez bien une dernière dose d’émotion avec le savoureux « Requiem », chanté en compagnie de l’ensemble Claudio Monteverdi et parcouru de changement de rythmes et d’atmosphères, tout en finesse et en technicité. A nouveau, la guitare d’Elliott Stoltz vient coudre des textures de jazz-rock énergique, quasiment McLaughliniennes.
Inutile de s’étendre sur une conclusion alambiquée, Icebergs n’a rien de glaçant quand il s’agit de briller dans un registre power soul et jazz-rock funky. Ces gens-là savent s’y prendre comme des chefs et nous offrent un beau moment de charme et d’énergie.
Pays: FR
Autoproduction
Sortie: 2017/06/20