COMITY – A long eternal fall
Le moins que l’on puisse dire, c’est que Comity n’a pas choisi la facilité. Lorsqu’on vient de Paris et que l’on opte pour un mathcore furibard et chaotique, on se ferme toutes les portes de la promotion pop et électro qui est généralement très généreuse envers les groupes de petits adolescents gentillets. Mais quand on se pointe avec des projets musicaux d’une noirceur insondable, on se condamne à la carrière longue, au cheminement difficile pour arriver au sommet. Comity a eu ce courage et après vingt ans d’exercice, son travail atteint enfin des degrés de perfection dans le genre.
Rappelons donc ici que nous avons affaire à un mathcore sludge très en phase avec les œuvres de Converge, Dillinger Espace Plan, Botch ou Coalesce, pour situer brièvement les propos. Et dans le domaine, Comity a patiemment posé ses jalons, démarrant dans des choses assez expérimentales sur le premier EP « The catharsis syntax project » (2000), puis évoluant sans cesse au fil des albums « The deus ex machina as a forgotten genius » (2003), le EP « Andy Warhol sucks » (2004), « … As everything is a tragedy » (2006), le long single « You left us here » (2009, retour après une période de séparation), « The journey is over now » (2011) et le nouveau « A long Eternal fall » (2017). Au cours de ces années, le line-up de Comity a fini par se stabiliser autour de Nicolas Brillant (batterie), François Prigent (guitare), Thomas Zanghellini (chant et basse) et Yann Daniel (guitare). Le groupe a également adopté des concepts reconnaissables, comme les pochettes noir et blanc de ses albums ainsi que des titres qui sont souvent chiffrés (« Act I », « Part III », les invraisemblables 99 pièces courtes rassemblées en quatre parties sur « … As everything is a tragedy » et les simples « I » à « VIII » du nouvel album).
Nous ne sommes donc par dans la simplicité et la gaité avec ce groupe qui signe ici un quatrième album long format de très haute volée. Comity convoque et restitue toute son expérience acquise depuis vingt ans dans cet album dense, touffu, technique et colérique. Le chant de Thomas Zanghellini a considérablement évolué, gagnant en force et en expressivité, la batterie commet des prouesses dans la déconstruction des rythmes et les guitares hachent du riff noisy dans une urgence chaotique. On est impressionné par le morceau introductif montant en puissance sur « I », le massacre de la linéarité rythmique sur « II », l’épaisseur poisseuse et brutale de « V », la violence ultime qui déchire les onze minutes de « VII » (à la fin illustrée par extrait du poème « Où donc est le bonheur » de Victor Hugo) et le démantèlement généralisé des structures musicales dans une explosion de décibels sur « VIII ».
On ne sort pas de ce disque intact. D’énormes poussées telluriques ont fissuré nos tympans; un magma ignoble est venu brûler nos âmes. Du fin fond de leurs tripes, les hommes de Comity ont fait jaillir une colère apocalyptique grandiose. Bonne nouvelle, l’hiver est déjà là.
Pays: FR
Throatruiner Records
Sortie: 2017/05/26