PICTUREBOOKS (The) – Home is a heartache
Le blues parvient toujours à faire peau neuve, c’est le secret de sa longévité. A l’orée du 21e siècle, la branche la plus rock du blues a généré des formations réduites au minimum de deux musiciens qui ont redécouvert les vertus d’une simplicité rustique, ainsi que des instruments vintage qui prenaient la poussière dans les greniers depuis au moins trois décennies. Aux USA, les White Stripes, puis les Black Keys sont devenus les emblèmes de ce nouveau sang et ont ensuite essaimé des colonies de suiveurs dans de nombreux pays de l’empire occidental. En Belgique, nous avons Black Box Revelation, les Anglais ont Royal Blood ou les Kills, les Canadiens The Pack A.D., les Français ont Blackbird Hill ou Catfish. Et les Allemands, dans tout ça? Eh bien, nos chers amis d’outre-Rhin ne sont pas en reste puisqu’ils alignent les Picturebooks, un duo blues originaire de la petite ville de Gütersloh, près de Bielefeld. Ces garçons se distinguent de leurs contemporains par une préférence pour le blues plutôt que pour les fanfares bavaroises, et aussi par une certaine prospérité dans le domaine de la restauration de motos.
Car Fynn Claus Grabke (guitare et chant) et Philipp Mirtschink (batterie) vivent le blues et le rock de la tête au pied, du matin au soir et du soir au matin. Chez eux, un bon disque de blues rock bien rural s’accompagnera d’une virée sur les routes entre bikers, histoire de goûter jusqu’à la lie le mythe du blues et de la route sans fin. De la route, les deux lascars en ont effectivement goûté. Depuis leur formation en 2007, les Picturebooks ont avalé des kilomètres dans de petits vans rouillés où s’entassent guitares, batterie, amplis, packs de bières, musettes d’herbe, manager boutonneux et linge sale. Ils ont également retapé leur garage pour faire cohabiter motos en réparation et petit coin studio d’où sont sortis les albums « List of people to kill » (2009), « Artificial tears » (2010), « Imaginary horse » (2014) et ce nouveau « Home is a heartache » qui trouve refuge pour la première fois chez le label Another Century.
Ici, le duo aligne quatorze morceaux qui n’ont rien d’allemand mais semblent plutôt arriver en ligne directe des berges boueuses du Mississippi. Le guitariste s’est fait une spécialité de récupérer des guitares usées de marque inconnue dans des magasins de dépôt-vente perdus au milieu du désert. Le batteur affiche quant à lui une certaine inclination pour les fûts et les baguettes les plus gros possibles et ne sait pas ce qu’est une cymbale. Avec un tel appareillage, les Picturebooks succombent naturellement à l’appel du blues sauvage et poussiéreux, enrichi en rythmes tribaux et invocations indigènes.
C’est à un véritable voyage au cœur de l’Amérique profonde, celle des canyons et des sentiers de la guerre, que nous invitent les Picturebooks, avec cet album dominé par les rythmiques lentes et scandées (« Wardance », « Fire keeps burning ») et les psalmodies blessées (« On these roads I’ll die », « The murderer »). Le voltage surchauffe de temps à autre à l’occasion d’une invasion sonore énorme (« I need that oooh », « Cactus », « Bad habits die hard »). Le final « Inner demons » résume tout avec ses scansions hypnotiques suggérant la course lente d’un train à vapeur partant pour l’ouest et ses ondes de guitares qui font penser au vent chaud qui balaie la plaine du Nevada, alors que les crotales cherchent à mordiller le talon de vos bottes.
Dans une autre vie, les types des Picturebooks devaient être de vieux sages sioux ou des vendeurs d’élixir frelaté du Missouri. Ils tiennent en tout cas au fond de leurs tripes les secrets d’un blues rugueux et authentique.
Pays: DE
Another Century
Sortie: 2017/03/10