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DESACCORDES – inC

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Ceux qui, oubliant tout préjugé, ont eu la saine curiosité de découvrir l’album Pseu par le groupe Pseu et « Cordeyades » par le groupe DésAccordes connaissent un peu mieux Erik Baron, bassiste et compositeur génial, qui cette fois s’attaque à l’œuvre difficile d’accès de Terry Riley, intitulée « inC ». Ce dernier est, avec LaMonte Young et quelques autres, un des pionniers de la musique minimaliste et un des modèles de Jon Hassell (voir la chronique de « Maarifa Street / Magic Realism 2 » sur ce site). Jon Hassell est un éminent musicien aussi inclassable que l’est Erik Baron, un de ses disciples spirituels.

Basée sur 53 motifs planifiés selon des règles strictes mais où une grande place est laissée à l’improvisation lors de l’exécution, l’œuvre de Terry Riley, « inC », se joue généralement en continu. L’originalité d’Erik Baron est de l’avoir divisée en une introduction et quatre parties (ou quatre mouvements, si vous préférez), comme s’il s’agissait d’une symphonie classique. Autre choix personnel, il n’a pas fait appel à des voix et a choisi le tout instrumental. Pour DésAccordes, c’est le deuxième album et il est encore plus déroutant que le premier. Il demande de la part des musiciens à la fois un savoir-faire et un sens musical largement au-dessus de la moyenne et une bonne dose d’enthousiasme.

Le « line-up » comprend sept joueurs de guitare classique, dont Philippe Cauvin (voir la chronique de ses albums « Climage » et « Memento » sur ce site). Il y a aussi neuf joueurs de guitare électrique, six joueurs de basse électrique, une harpiste, deux violoncellistes, un percussionniste, un batteur et le bassiste, arrangeur et chef d’orchestre de génie, Erik Baron.

Dans sa version, l’intro dévoile la note Do (d’où le nom « inC ») par une fréquence aiguë qui se transforme lentement et n’est pas immédiatement audible. Ce lent bouillonnement part en crescendo pour se confondre en un magma de sons polyphoniques divers et de percussions polyrythmiques qui préfigurent un monde chaotique, pour se terminer en un bourdonnement épais de tout l’orchestre.

La première partie a une dominante Majeur en Do. Chacun improvise ses motifs plus qu’il ne les joue et cet amalgame de sons à la fois semblables et dissemblables, qui s’entrecroisent et se décroisent, devient lancinant par sa répétition. Le rythme contenu dans ces motifs répétés à l’envi, en crescendo puis en decrescendo, crée une sorte de dépendance que l’on imagine pouvoir comparer à celle de certaines substances psychotropes ou de médicaments : on en redemande toujours plus.

La deuxième partie s’apparente plutôt au Mineur en Mi et est tout aussi hypnotique. Là aussi un bouillonnement de sons est très perceptible derrière ces thèmes répétés à foison. De crescendo qui génère la tension jusqu’au paroxysme en decrescendo qui crée l’apaisement, on arrive ainsi progressivement au calme.

La troisième partie se déroule sur le mode tonique et comporte un thème binaire. Ce foisonnement de sons se fond en un amalgame très riche qui croît et décroît selon le bon plaisir du maître de cérémonie, qui souffle le chaud et le froid au gré de son inspiration. Un peu moins longue que les autres, cette partie est la plus optimiste et la plus vociférante de l’œuvre, en fort contraste avec la fin de la partie précédente.

La quatrième partie tourne plutôt autour de la note Sol, toujours selon le même schéma. Cette musique propice au rêve, voire à la méditation, conclut la pièce.

Cette oeuvre très élaborée fait une large place à l’interaction entre les musiciens, avec des groupes qui se forment et se déforment pendant le déroulement des opérations, au gré de leurs perceptions et de leur inspiration. Qualifier la musique de répétitive est un pléonasme. Dans ce genre d’exercice, elle l’est par définition mais en écoutant attentivement, on se rend compte que des variations subtiles empêchent justement les thèmes de se répéter : ils ne sont jamais tout à fait pareils. C’est là que se révèle le grand talent des musiciens et, bien plus encore, celui du chef d’orchestre.

Vouloir appréhender cette œuvre sans se rendre totalement disponible et sans faire abstraction de tout ce qu’on a appris relève de l’utopie. L’impression de cacophonie ressentie au départ disparaît très tôt pour faire place à une écoute attentive nécessaire pour tenter de comprendre. De plus, dépasser les préjugés est une condition sine qua non.

Il me reste à remercier chaleureusement Erik Baron pour ses explications techniques, dispensées avec beaucoup de gentillesse, mais il me reste aussi à préciser que les approximations, erreurs ou omissions sont bien de mon fait.

Pays: FR
Gazul / Musea Records GA 8681.AR
Sortie: 2005/04/30

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