MANNGOLD – Manngold
Voici venu le moment où l’amateur éclairé de bonne musique va devoir intégrer Manngold dans sa vision du monde rock. Cette formation se promenait en Belgique depuis déjà plusieurs années mais elle dévoile enfin son immense talent avec ce premier véritable album signé de ce nom. Il faut dire qu’un miracle ne vient jamais seul quand on considère le pedigree de très haut vol des musiciens de Manngold.
Le leader guitariste Rodrigo Fuentealba est d’origine chilienne et a roulé sa bosse dans de nombreux groupes de renom (Gabriel Rios, Fifty Foot Combo, Kris Dane, Novastar, Arsenal). Il se livre aussi volontiers à plusieurs projets expérimentaux avec des musiciens comme Mauro, Bert Dockx, Steven de Bruyn, Bart Maris, Teun Verbruggen ou Karen Willems. Fuentealba fonde Manngold en 2008 avec Philipp Weies (guitare), Karel de Backer et Matthias Standaert (batterie), et Maarten Standaert (basse). Ce dernier est remplacé par Bruno Coussée en 2012. Tous ces musiciens ont acquis une solide expérience en collaborant avec d’importants artistes belges (Arno, Dead Man Ray, Fifty Foot Combo, Go March, Hypochristmutreefuzz). Le groupe développe un style instrumental à forte teneur énergétique oscillant entre psychédélisme, acid rock et punk rock. Les thèmes répétitifs fortement appuyés par une double batterie permettent l’évolution vers des sons massifs et de grandes envolées de guitare.
En 2011, Manngold fusionne avec l’orchestre de cuivres De Cobre pour réaliser un album associant jazz, krautrock, noise rock, improvisation libre et punk, rien que ça. Le projet Manngold De Cobre regroupe deux batteurs, un bassiste et deux guitaristes pour Manngold, et une section de huit musiciens pour De Cobre, en provenance de divers horizons ((Intergalactic Lovers, Tuxedomoon, Arno, Flip Kowlier, Arid, Gabriel Rios, dEUS, Fifty Foot Combo, Mauro, Brussels Jazz Orchestra, Nordmann). Le combo tourne intensivement en Belgique et accumule les fans, surtout dans la branche jazz fusion, qui apprécient la haute énergie du groupe et ses arrangements à la Sun Ra. Le groupe comble ses aficionados avec la sortie de l’album « Manngold De Cobre » en 2014.
Maintenant, Manngold revient en tant que simple groupe avec ce « Manngold », conçu à Bristol avec le producteur Stuart Matthews (Quakers, Massive Attack, Portishead). Celui-ci met à la disposition du groupe du matériel vintage qui permet la mise au point d’un son impeccable, pur dans sa rudesse et clair dans son énergie. En trois jours, Manngold couche sur bande une collection de huit titres instrumentaux tout simplement faramineux. Entre proto-punk, psychédélie, improvisation, trance, tribalisme à tiroirs, boucan d’airain et rock garage, l’album « Manngold » crée une immense sensation.
Ça se met doucement en place avec l’introduction « Golpe » qui semble annoncer l’arrivée sénatoriale d’un heavy rock lent et chamarré à la Black Sabbath. Tout cela ne dure pas et c’est soudain le départ sur les chapeaux de roue avec le gigantesque « Stunde null ». Une Cadillac impeccablement réglée fait hurler les pneus sur le bitume, le moteur tourne rond et rapidement. Basse et batterie font gicler un rythme haletant sur lequel se greffe une guitare lumineuse et souple. Et on s’en prend là déjà pour plus de six minutes. Mais on a à peine commencé car il y a de la surenchère dans l’air, avec l’impérial « Manngod » qui déploie une ligne de basse que rien ne peut arrêter. Celle-ci soutient des éclaboussures de guitares souveraines, qui s’engouffrent ensuite dans un long voyage intersidéral. On poursuit sur ce mode aérien avec « Boogie », qui va peu à peu transiter vers du très lourd. Les choses remettent à s’accélérer en fin de morceau, transition idéale pour se prendre le véloce et ultra-punk « DEMT » en pleine poire. Avec deux dents de moins et un bras cassé, l’auditeur est récupéré par les services de santé de Manngold qui l’emmènent à toutes vitesses et en première classe vers des cieux brillants, à l’occasion d’un « Gluckskugel » qui glisse avec une incroyable classe tout en faisant pétarader guitares et effets électroniques. Le titre se permet quelques ruades cosmiques dans son milieu avant de retrouver son rythme de cheval magnifique.
La fin de l’album approche tout doucement mais on peut encore se régaler d’un « DMB » assez guilleret dans son début mais qui monte peu à peu en puissance dans la tension et dans l’excitation d’une rythmique de plus en plus nerveuse et de guitares de plus en plus virevoltantes. Et là, il y en a pour près de neuf minutes, sans supplément de prix. L’auditeur qui a été cuisiné à toutes les sauces rythmiques a droit à un peu de repos avec le tranquille « Ballad for Daria H » qui achève l’album dans un flottement d’organdi sonore, propice à la sortie émue d’une guitare qui hulule des solos aigus vers la lune. Et ça, c’est du sept minutes, TVA comprise.
C’est sur cette touche de romantisme plutonien que se termine cet album tout simplement époustouflant. Classe, variété des climats, prouesses techniques, énergie et panache : on trouve tout cela dans « Manngold », sincèrement un des meilleurs albums de l’année pour le rock belge, et pourquoi européen ou tout simplement mondial. Et intergalactique!
Pays: BE
Consouling Sounds
Sortie: 2016/12/16