MOE – Examination of the eye of a horse
Avec « Examination of the eye of a horse », il ne va pas être question de médecine vétérinaire chevaline – un sujet qui pourrait être tout à fait intéressant, par ailleurs – mais de noise rock fomenté par un groupe avec lequel il va falloir compter un petit peu, MoE. Ce nom est en fait celui de la patronne de l’affaire, une certaine Guro Skumsnes Moe, qui est aussi violoncelliste et active sur de nombreux fronts de la scène musicale norvégienne, notamment dans la musique contemporaine et le jazz. Ceux qui connaissent déjà ce groupe norvégien formé à Oslo en 2008 sont des petits vernis. Et pour les autres, il n’est jamais trop tard pour faire de grandes découvertes. Alors, à vos tablettes (de marbre, bien entendu) et à vos burins, car ce que vous allez apprendre de MoE doit rester gravé dans la pierre.
Le trio composé par Guro Skumsnes Moe (basse et chant), Håvard Skaset (guitare) et Joakim Heibø Johansen (batterie) en est maintenant à son quatrième album, après avoir menacé l’Occident chrétien des inquiétants « It pictures » (2011), « Oslo Janus » (2013, un album sous la forme d’un triptyque dont les deux premiers volets sont quasiment identiques) et « 3 » (2014). Au cours de ces albums, on a pu voir un groupe évoluer d’un noise rock minimaliste et décalé, légèrement autiste, vers des atmosphères de plus en plus brutes, avant-gardistes et colériques. « It pictures » tâtonne dans cette discipline mais donne déjà de petits coups de marteau sur la tête, « Oslo Janus » est grinçant et âpre, « 3 » cisaille les nerfs avec un mélange de doom metal pour médecin légiste et de punk hardcore carnassier.
Et quant à « Examination of the eye of a horse », eh bien, c’est simple : cet album amalgame toute la connaissance et l’expérience acquises par MoE au cours de son début de carrière. Une véritable synthèse qui renverse tout sous des piles de guitares fiévreuses et rugueuses, avec un chant qui semble revendiquer le droit de tuer tout le monde d’abord et de discuter après et une section rythmique qui s’enroule autour de vos neurones avant de les étouffer, façon anaconda en promenade du dimanche.
Entre noisy brouillon et urgent (« Realms of refuge »), échange tribal sans aménité entre basse et chant (« Saccades and fixations »), assaut hardcore fulgurant à la Napalm Death (« Paris »), engluement dans un marécage sonore peuplée de furies (« Wild horses ») ou détournement vicelard de sonorités heavy rock au profit de sonorités bouillonnantes et novatrices (« Doll’s eyes »), ce quatrième album de MoE atteint littéralement des sommets dans le genre aventureux du noise rock. On ne serait pas complet sans un mot sur l’hallucinant dernier titre du disque, un « Letters of Pliny » qui nous assène une introduction bruitiste primitive de près de deux minutes avant de lancer une dernière attaque de lourdeur électrique fumante, en rythme ralenti et agressif, laissant fuser un chant de goule hargneuse et désespérée.
On tient ici un groupe remarquable qui fait sien le territoire tourmenté du noise rock et qui surprend par son inventivité et sa colère froide. Vraiment le truc à considérer sérieusement si vous ne voulez pas mourir idiots.
Pays: NO
Wallace/Conrad Sound
Sortie: 2016/10/14