ECLECTION – Eclection
Dans la fourmilière des groupes pop qui faisaient tout ce qu’ils pouvaient pour atteindre les sommets du succès dans l’Angleterre des années 1967-68, il y en eut plein qui disparurent sans laisser de traces. Et pourtant, ce n’est pas parce qu’ils n’ont pas été remarqués par le grand public qu’ils n’étaient pas bons, loin de là. Eclection en est un exemple.
Ce combo né en 1967 à Londres choisit le nom d’Eclection en raison de l’éclectisme des origines de ses membres. La chanteuse Kerrilee Male et le bassiste Trevor Lucas viennent d’Australie, le guitariste Michael Rosen est canadien, le guitariste Georg Kajanus est norvégien et seul le batteur Gerry Conway est citoyen britannique. Tous ces musiciens entrent en relation un peu par hasard. Georg Kajanus joue dans les bars de Londres et est un jour approché par Michael Rosen qui lui propose de monter un groupe. Les deux hommes mettent ensuite la main sur les deux Australiens Kerrilee Male et Trevor Lucas, puis Gerry Conway complète la formation un peu plus tard. Michael Rosen, qui a un carnet d’adresses assez fourni, parvient à entrer en contact avec le boss d’Elektra Records, Jac Holzman. Ce dernier trouve très intéressant le folk rock psychédélique d’Eclection et signe un contrat avec le groupe.
Le producteur australien Ossie Byrne est choisi par Elektra pour assurer l’enregistrement des chansons d’Eclection, principalement écrites par Georg Kajanus et Michael Rosen. Ossie Byrne avait travaillé sur les premiers albums des Bee Gees et apporte avec lui l’arrangeur Phil Dennys, qui va assurer un travail d’orfèvre sur les compositions très finement ciselées d’Eclection. Car ce qu’on entend sur ce premier et unique album éponyme d’Eclection est tout simplement radieux et beau. Les harmonies vocales au cordeau, le chant magnifique de Kerrilee Male (une chanteuse capable de rivaliser avec toutes les reines du folk et du psychédélique de l’époque, comme Joni Mitchell ou Grace Slick de Jefferson Airplane), les cuivres, les mélodies de guitares, la cohérence mélodique, tout tombe pilepoil et est équilibré au milliardième de gramme près. On croirait assister à la rencontre des Mamas & The Papas, des Byrds, de Fairport Convention et de Jefferson Airplane. Des chansons comme « In her mind », « Violet dew », « Will tomorrow be the same » ou « Another time, another place » sont tout simplement somptueuses. Le talent de Kerrilee Male n’est cependant pas exploité au maximum et la chanteuse australienne laisse souvent le micro à Georg Kajanus qui assure aussi le chant.
Avec ce premier album dans leur escarcelle, les membres d’Eclection sont persuadés de mettre sur le marché un disque qui va cartonner. Malheureusement, « Eclection » va allègrement passer sous les radars des charts sans se faire repérer et va rejoindre l’immense liste des superbes albums frappés par l’injustice des ventes. Dépitée par le faible niveau des ventes, Kerrilee Male claque la porte, retourne en Australie et ne fera plus jamais parler d’elle. Son mutisme volontaire est une véritable perte pour la chanson rock car cette jeune femme, non contente d’être très jolie, était aussi formidablement douée. A partir de ce départ, Eclection se trouve engagé sur la planche savonneuse de la pente fatale et le remplacement de Kerrilee Male par la compétente Dorris Henderson ne fait rien pour retourner la situation. Le mythique jazzeux Gary Boyle fait un passage éclair dans le groupe, Georg Kajanus écrit quelques chansons de plus, le groupe tourne intensivement en Angleterre mais en 1969, le sort en est jeté, Eclection se sépare.
L’album d’Eclection ne sera réédité en CD qu’au début des années 2000. La version présentée ici par Esoteric Recordings est la quatrième en quinze ans et elle est sans doute la plus digne de confiance. On y trouve les onze titres de l’album original de 1968, ainsi que deux faces A des singles qui avaient accompagné l’album à l’époque, « Please » et « Mark time ». La première de ces chansons, reprise des Américains de Kaleidoscope (groupe mythique fondé par David Lindley et qu’il ne faut pas confondre avec leurs homonymes anglais de la même époque), sera réenregistrée sous le titre « Please Mk II » avec la nouvelle chanteuse Dorris Henderson. On trouve également cette seconde version sur la réédition d’Esoteric.
Il ne vous reste plus qu’à découvrir ce magnifique album de rock tirant à la fois vers le psychédélisme west coast et le folk anglais. Presque cinquante ans après sa conception, ce disque oublié des oubliés d’Eclection a gardé tout son charme rétro.
Pays: GB
Esoteric Recordings ECLEC 2552
Sortie: 2016/08/26