LAST DITCHES (The) – Spilt milk
Abandonnons un instant les classifications minutieuses entre les différents genres de rock et revenons à la racine de la question, à ce bon vieux rock ‘n’ roll canal historique, colonne vertébrale de ce qui fait vibrer tout bon amateur d’électricité débridée, avec cet album tout simplement excellent des Last Ditches. Ceux qui se font appeler les Derniers Fossés doivent avoir quelque chose à défendre, ce n’est pas possible autrement. Et en effet, les Last Ditches défendent les derniers mètres carrés tenus par le rock pur et simple, joué avec énergie et qui ne cherche pas à se prendre la tête.
Il fallait quelques grognards blanchis sous la bandoulière de guitare et aux fonds de culotte usés sur des tabourets de batterie pour mettre sur pied cette dernière ligne de défense du rock ‘n’ roll. Et en matière de personnel, les Last Ditches mettent en effet en lice quelques solides professionnels du bruit. Jugez plutôt. A la batterie, Bobby Rondinelli, 35 ans de carrière commencée avec Rainbow puis poursuivie chez Black Sabbath, Blue Öyster Cult, Quiet Riot, Doro, Riot, Axel Rudi Pell et ancrée sur son propre groupe The Lizards, formation funk métal dans laquelle on retrouve Andy Pratt. Ce dernier tient la basse dans The Last Ditches et est un pilier de la scène rock new-yorkaise, avec un séjour chez les Funky Knights ou une participation en tant qu’harmoniciste chez le mythique groupe Cactus, ressuscité depuis quelques années. Binky Philips (guitare) est une autre de ces chevilles ouvrières du rock de New York, au temps où il traînait sur scène avec Blondie, les New York Dolls, Kiss ou les Ramones. Et, last but not least, le chanteur guitariste des Last Ditches n’est autre que Walter Lure, qui a gagné ses galons de légende en étant l’autre guitariste des Heartbreakers du légendaire Johnny Thunders.
Autrement dit, avec de tels sorciers issus des Seventies, on va se retrouver face à un album d’essence quasi-magique. C’est tout un esprit reconstitué à partir des suaires des New York Dolls, de Johnny Thunders, des Dictators et même du Sensational Alex Harvey Band qui va ressurgir ici, avec son lot d’électricité charnue, d’humour potache, de simplicité virile et de compositions à l’immédiateté salvatrice.
C’est bien simple, tout est bon, tout percute, tout frappe directement au ventre. La prise en main est assurée par une série imparable de titres savoureusement énergiques (« Excuse me », « That’s what we do », « Where am I?« ). Un punk rock raffiné se mêle harmonieusement à un hard feutré, pas totalement dépourvu de glam et de blues. On pense aussi aux excellents Flamin Groovies et surtout à Alex Harvey quand on entend les vocalises de Walter Lure (« I get that a lot », « N-O spells no »). Chœurs stoniens, rythmique de machine à vapeur assurée par le massif Bobby Rondinelli, parties de guitares lumineuses, tout participe à cet album impeccable qui continue de nous sortir les perles d’élevage (« So-so-so », « Itchin’ for a fight », « Monkey on my back »). Une reprise de Johnny Thunders (« I wanna be loved ») termine de démontrer que le fantôme du regretté guitariste des New York Dolls a été convié à cette célébration rock que constitue « Spilt milk ».
Un bon album, c’est un bon début, un bon milieu et une bonne fin. En l’occurrence, le funky « A thing about you », l’acéré « Kiss this » et l’hyperactif et stoogien « Throw the dog a bone » finissent le boulot dans la grandeur. Il est dit que les musiciens sont arrivés en studio sans plan préconçu et qu’ils se sont laissé aller à leurs instincts en écrivant les morceaux au fur et à mesure. Il y a donc eu une alchimie surnaturelle qui a fait prendre une sauce rock magnifique mais il ne faut pas oublier que cette sauce a été conservée et aromatisée par le producteur JZ Barrell, qui effectue ici un travail d’orfèvre.
Que dire de plus? Vous aurez compris qu’il faut se précipiter chez le disquaire le plus proche ou le premier site internet qui vous tombe sous la main pour acheter, télécharger, commander, graver ou sculpter dans la roche ce formidable album de rock ‘n’ roll pur jus.
Pays: US
Hyperspace Records
Sortie: 2016/05/20