HARM/SHELTER – Paycheck
Lorsque les habitants de Giessen (Allemagne) ont entendu les sons hardcore sortir de la cave où répétait Harm/Shelter, les plus anciens d’entre eux se sont peut-être souvenus des terribles bombardements aériens endurés par leur ville de février 1944 à mars 1945. Il faut dire qu’une ville qui possédait en même temps un aérodrome militaire et une gare de triage attirait immanquablement l’attention des bombardiers lourds américains. Ce sont ces images de souffle dévastateur et de vrombissements de moteurs qui viennent à l’esprit lorsqu’on se trouve confronté au hardcore impitoyable de Harm/Shelter.
Kris Brauning (guitare), Friedrich Übler (batterie), Gordon Will (guitare), Daniel Velte (basse) et Jan H. Ruddies (chant) forment Harm/Shelter en 2011. L’idée est simplement de rendre hommage aux grands du punk hardcore, genre Agnostic Front, Sick Of It All, Madball ou Hatebreed. Et de fil en aiguille, ou plus tôt de câble d’acier en barre à mine, Harm/Shelter s’étoffe, avec un répertoire personnel et un noyau de fans locaux, captés par une première démo réalisé en 2012.
En 2014, le groupe passe au stade de l’EP (« The evil within ») et entre en contact avec le label Beatdown Hardwear, grosse maison allemande spécialisée dans le hardcore. L’EP est commercialisé sur ce label et Harm/Shelter arrive maintenant à maturité avec son premier album long format « Paycheck ». Ce disque révèle une particularité intéressante de Harm/Shelter, qui mâtine son hardcore d’un peu de rap, ce qui l’éloigne de la doxa hardcore, très rigoureuse avec les principes qui ont fondé ce genre.
Mais ceci ne nuit pas à la qualité de l’album, au contraire. Un éboulement de riffs monstrueux écrabouille l’auditeur dès le premier morceau « Eternal cruisade ». Le mur de guitares est infranchissable, tout comme sur « Suppression » et la plupart des morceaux qui suivent. Le style de Harm/Shelter est rude, sans merci, acéré comme une lame. Les guitares facturent la demi-tonne de cupro-nickel au prix de gros et la batterie nous sort les missiles air-sol à tête chercheuse (« Mr. Brown »). Le rap intervient franchement sur « Von schatten ins nichts », récité en allemand dans une atmosphère hip-hop. Voilà qui tranche quelque peu avec le hardcore qui ne tarde pas à revenir en force sur la suite de l’album, brillant sur le colossal « D.F.T.R. », mutilant le cervelet sur « Gomorra » ou semant la panique sur le final « Mind control ».
Ce qu’on retient de cet album, c’est la fantastique puissance du son et les compositions directes qui n’y vont pas par quatre chemins. Harm/Shelter, petit groupe qui se présente comme étant sans prétentions, peut avoir des raisons d’être fier de lui car il pourrait bien émerger parmi les meilleurs groupes de hardcore allemands et, osons le dire, européens.
Pays: DE
Beatdown Hardwear
Sortie: 2016/06/03