BELEDO – Dreamland Mechanism
Lorsque l’on parle de Rock, de Blues ou de Jazz, il faut bien reconnaître que nos connaissances de la scène musicale uruguayenne frôlent la nullité. Si l’on excepte le Brésil, les Antilles et le Mexique, il en va de même avec celles du reste de l’Amérique latine. C’est une des raisons pour laquelle un artiste de talent comme Jose Pedro Beledo a pu si longtemps nous échappé.
Né à Montevideo, notre homme a débuté ses aventures musicales par le piano dès l’âge de six ans, avant de se trouver plus d’affinité avec la guitare. Au départ admirateur des Beatles, il acquiert par la suite une réputation d’as de la guitare tant dans son pays que dans l’Argentine voisine, jouant alors principalement du Rock et du Blues. Dans les années quatre-vingt, il se tourne progressivement vers le Jazz-Rock qui rencontre alors l’intérêt du public local. Formé dans la plus haute université musicale du pays, il ne cesse d’étendre ses compétences. En 1996, il tourne pour la première fois en Europe avec le Tropical Tribute to the Beatles qui comprend aussi Tito Puente. En 2007, il réalise l’album « Montevideo Jazz Dream » auquel collaborent, parmi d’autres, Randy Brecker et Manolo Badrena. En 2012, il fait partie du quatuor The Avengers avec Adam Holzman (Miles Davis, Michel Petrucciani, Steven Wilson, …), Lincoln Goines et Kim Plainfield (Didier Lockwood, …). Celui-ci publie l’album « On a Mission » qui rencontre un certain succès et lui permet de tourner sur quatre continents.
Avec son nouvel album solo, « Dreamland Mechanism », Beledo devrait quitter l’anonymat dans nos régions, particulièrement chez les amateurs de Fusions Jazz-Rock. La qualité de ses compositions surprend presqu’autant que ses talents de multi-instrumentistes. D’ailleurs, pourquoi faire appel à d’autres quand on se montre aussi habile et efficient sur autant d’instruments différents. Affichée sur neuf titres, la formule du trio n’est réellement appliquée que sur cinq avec le classique format guitare, basse et batterie. Sur les quatre autres, l’utilisation du violon, de la basse, de l’accordéon et de différents claviers crée en fait d’autres formats, quatuor, quintette et même sextet. A l’aise dans chaque configuration, il mène le jeu tant en accompagnement qu’en solo, quel que soit l’instrument.
Cela précisé, les trois duos rythmiques en éveillent d’autant plus l’intérêt.
Le premier constitué des vétérans Lincoln Goines (Mike Stern, Wayne Krantz, …) et Gary Husband (Alan Holdsworth, John McLaughlin, Mike Stern, Jack Bruce, Level 42, Gongzilla, …) est mirifique : solide et expérimenté dans l’ensemble, dynamique, voltigeant et percutant pour la batterie, ronflant et un brin Funky pour la basse. Dans cette configuration, la parenté du guitariste avec Allan Holdsworth est évidente, que ce soit dans le style des années septante ou quatre-vingt. Pour le reste, les connexions avec le Mahavishnu Orchestra, première mouture, sont bien réelles.
Le second comprend deux jeunes loups au parcours moins impressionnant, Tony Steele et Doron Lev. Il se révèle tout aussi intéressant et performant. Ici, le bassiste joue dans la droite ligne de son aîné, mais avec un son plus épais. Quant au batteur, il se révèle tout aussi efficace, mais plus léger dans le toucher et moins extravagant. A la guitare, le regretté Shawn Lane fait office de référence absolue.
Le troisième, totalement inconnu sous nos latitudes, aligne deux percussionnistes Indonésiens dont le jeu se marie idéalement aux guitares acoustiques du leader. Sur un dernier titre, la présence d’un bassiste et d’un guitariste du cru pour un solo n’apporte que peu de valeur ajoutée. Etrangement, c’est dans cet environnement asiatique que les racines Sud-Américaines du leader ressortent le plus : Hispaniques sur le premier titre, Brésiliennes sur le second.
En conclusion, un artiste à découvrir et un CD à conseiller impérativement. Au vu des dernières sorties, vraiment, l’univers des Fusions Jazz-Rock est en pleine …fusion.
Les titres (55:26) :
- Mechanism (5:22)
- Bye Bye Blues (5:38)
- Marilyn’s Escapade (8:40)
- Lucila (6:31)
- Sudden Voyage (5:02)
- Big Brother Calling (4:16)
- Mercury in Retrograde (4:20)
- Silent Assessment (5:04)
- Budjanaji (5:05)
- Front Porch Pine (5:28)
Les interprètes :
- Beledo : Guitares, Basse (4, 9), Violon (1, 3), Claviers (1, 3, 9), Piano (3), Fender Rhodes (2), Mini Moog (2), Accordéon (3), Voix (9) & Compositions
Lincoln Goines : Basse (1, 2, 3, 6, 7, 8)
Gary Husband : Batterie (1, 2, 3, 6, 7, 8)
Tony Steele : Basse (5, 10)
Doron Lev : Batterie (5, 10)
Endang Ramdan : Sundanese Kendang Percussion (4, 9)
Cucu Kurnia : Sundanese Kendang & Metal Percussion (4, 9)
Dewa Budjana : Guitares (9)
Rudy Zulkarnaen : Basse (9)
Pays: US
Moonjune Records MJR077
Sortie: 2016/03