BLACK TONGUE – The unconquerable dark
Trop brutal pour être doom, trop sludge pour être death, trop sombre pour être hardcore, Black Tongue se joue avec habileté des classifications qui cherchent à l’étiqueter et le précipiter dans un tiroir de la grande armoire du métal. Mais non content d’être inclassable, Black Tongue se veut également très doué. En janvier 2013, il n’y avait rien et à peine deux ans plus tard, il y a deux EP (« Falsifier », 2013 ; « Born hanged », 2014) et ce premier album « The unconquerable dark », qui marque l’entrée de ce groupe anglais dans l’écurie Century Media.
Black Tongue prend forme à Hull, ville du Yorkshire où il ne se passe rien mais que les rockers connaissent pour être la ville natale de Mick Ronson, guitariste de David Bowie à l’époque des Spiders From Mars. Le groupe se compose d’Alex Teyen (chant), James Harrison (guitare), Eddi Pickard (guitare) et Aaron Kitcher (batterie). Ces deux derniers faisaient partie du combo Infant Annihilator, auteur d’un album de deathcore particulièrement sombre en 2012.
Chez Black Tongue, on jongle avec le death, le doom, le sludge, le hardcore ralenti et on fabrique un imparable mélange de doomcore, empruntant des éléments sonores à Meshuggah, Mastodon ou Neurosis. Cette description reste cependant assez succincte car Black Tongue va au-delà de ces éléments. Son univers est sombre, lent mais incroyablement puissant et rageur. Le chant de colosse désespéré d’Alex Teyen coule en ondes massives, opérant volontiers à l’aide de growlings typique du death metal. Le duo de guitare impose un carcan étouffant et sinistre qui aplatit tout.
La course légère de l’auditeur qui croyait avoir affaire à un petit groupe de hardcore quelconque se trouve soudainement freinée par les boues sludge insurmontables de « Plague worship » et « In the wake of the wolf » qui imposent immédiatement des ambiances de cataclysme et de funérailles ratées. Black Tongue sait néanmoins aérer l’atmosphère de temps à autre, avec par exemple l’introduction brumeuse qui annonce « Young gloom », nouvel exercice de broyage des tympans qui ne fait aucune pitié. Le tempo s’accélère aussi mais rarement, et il faut profiter de la brève introduction de l’innommable « L’appel du vide » (en français dans le texte) pour faire osciller les cervicales un peu plus rapidement. Après, le flot de boue gluante et déjà froide vous submerge dans un mouvement figé à jamais.
Black Tongue prend le temps de disséminer ses ambiances mortifères, via des morceaux qui dépassent souvent les cinq minutes, voire les six minutes comme c’est le cas pour l’inquiétant « Vermintine ». A ce niveau de l’album, nous sommes bien installés dans le bain suffocant d’un sludge metal hurlant de douleur et « Prince of Ash », « The masquerade », « A pale procession II: Death march » ou « I’m so tired of sighing, please Lord let be night » défilent sur les oreilles comme une procession de rouleaux compresseurs tendus de voiles de bure noire. Le dernier titre s’achève même sur des litanies en latin, histoire de mettre encore plus le doigt sur la côté intégriste du doomcore de Black Tongue.
Particulièrement doué pour tresser des ambiances sombres et hallucinées, Black Tongue manie à la perfection les cartes du jeu complexe du sludge et du hardcore. Il forge son style, pas forcément de manière révolutionnaire mais avec réalisme et maturité. On osera donc faire le pari que l’on entendra encore parler de ce groupe prometteur dans les années à venir.
Pays: GB
Century Media
Sortie: 2015/09/04