KRISIUN – Forged in fury

Avec 25 ans d’existence, Krisiun est désormais une des sommités du death metal mondial. Les groupes de death qui dépassent le quart de siècle ne sont pas très nombreux, surtout s’ils viennent du Brésil. Dans cette catégorie règnent sans partage deux combos vénérables : Sepultura et Krisiun.

On pourrait cependant réunir une conférence internationale d’experts en la matière pour déterminer si Sepultura est uniquement un groupe de death ou s’il est autre chose. Les tenants du thrash metal auraient sûrement quelque chose à dire dans ce débat. Mais pour ce qui est de Krisiun, il n’y a pas de place pour le doute : ce groupe a été baigné dans une cuve de death metal à la naissance et il est resté death avec une admirable constance.

Cette constance vient sans doute du fait que Krisiun a toujours été mené par une fratrie de trois musiciens qui n’ont jamais rencontré la moindre tourmente dans leur line-up. Il y a bien eu un certain Mauricio Nogueira qui est venu prêter main forte à la guitare en 1994, mais il n’est pas resté. Depuis, Krisiun est devenu un groupe au personnel comptant parmi les plus stables du monde. La stabilité dans le metal ou dans le rock en général a certains avantages (au premier rang desquels la cohérence des compositions et la solidité de l’orientation musicale) mais aussi quelques inconvénients (comme l’entêtement à composer toujours les mêmes morceaux sans se remettre en question, qui s’appelle en langage optimiste la cohérence des compositions…).

Pour un groupe de death metal, genre que ses détracteurs décrivent comme générant toujours les mêmes morceaux, perdurer 25 ans et sortir la bagatelle d’une dizaine d’albums est une sorte d’exploit, surtout si on parvient à ne pas ennuyer l’auditeur. N’ayant pas dédié la totalité de ma vie de mélomane au death metal, je ne distingue pas toujours les subtilités qui permettent au spécialiste du death d’en écouter 15 albums par jour sans avoir envie de faire une pause de cinq ou six mois entre deux séances. Pour ce nouvel album de Krisium, cependant, on dira qu’il réunit tout le savoir-faire du groupe acquis depuis 25 ans. Nous ne sommes plus du temps des brutalités primitives du premier album « Black force domain » (1995) mais nous retrouvons les caractéristiques qui ont fait la force d’albums comme « Conquerors of Armageddon » (2000), « Works of carnage » (2003) ou « AssassiNation » (2006). Mais par rapport au précédent album « The great execution«  (2011), qui était excellent, ce nouveau « Forged in fury » se contentera d’une mention très bien à défaut de tutoyer le génie.

C’est Erik Rutan (guitariste et chanteur de Hate Eternal et au passage ex-Morbid Angel, excusez du peu) qui est responsable de la production de cette nouvelle rondelle, illustrée par le mythique dessinateur Joe Petagno (créateur du fameux logo de Motörhead). Autrement dit, certaines fées se sont penchées sur le berceau maudit du petit dernier de Krisiun. Les frères Alex, Moyses et Max Kolesne Camargo se sont quant à eux fendus d’une dizaine de titres laminés à même l’enclume. On franchit souvent les six minutes sur certains titres qui prennent le temps de développer des univers oppressants ponctués de force solos alambiqués et sauvages. Le chant reste intelligible, bien que semblant provenir de la gorge d’un ursidé requinqué à l’Irish coffee.

Les premiers titres sont à mon avis moins marquants que ceux qui constituent le cœur de l’album. L’œil commence à s’ouvrir à partir de « Strength forged in fury » et ses gigantesques coups de double pédale en pleine face. Après, c’est le massacre à la tronçonneuse infernale avec l’imposant « Soulless impaler », l’ultra violence de « Burning of the heretic », les attaques fumigènes de « The isolated truth » ou les ruades de minotaures de « Timeless starvation ».

Krisiun s’est offert un album des 25 ans tout à fait dans la ligne de son style et a réalisé une sorte de résumé de son œuvre avec ce disque efficace qui, à mon humble avis, aurait cependant gagné à tenter de rivaliser davantage avec le précédent album.

Pays: BR
Century Media
Sortie: 2015/08/07