NITON – Tiresias
Les trois musiciens qui composent Niton et qui vont nous emmener ici dans une invraisemblable aventure électronique se situent plutôt parmi la frange la plus intellectuelle de la profession de rocker. Il n’est d’ailleurs pas question de rock ici mais de musique électronique dans ce qu’elle a de plus extrême et de plus expérimental. Klaus Schulze et Tangerine Dream feraient ici figure de grand orchestre du Splendid ou de fanfare du cirque de Moscou, comparés à ce qu’est capable de faire Niton.
Ce trio sort ici son deuxième album, qu’il base sur la légende mythologique de Tiresias, devin aveugle de Thèbes qui fut transformé en femme durant sept ans par la déesse Héra. Ce mythe a été évoqué dans de nombreuses œuvres littéraires, dont le poème « Les terres vaines » de l’américain T.S. Eliot, qui sert ici de base au disque de Niton.
Déjà, le thème est pointu mais le traitement musical va être encore plus dissipé dans les sphères de l’intellectualisme sonore. Il faut dire que les trois hommes qui se trouvent derrière Niton sont des têtes en matière de musique électronique. Zeno Gabaglio est diplômé en violoncelle, en improvisation libre et est titulaire d’un diplôme de philosophie. En tant que musicien, il a sorti des albums sous des projets comme UNO, Gadamar ou Niton, réalisant en parallèle des musiques de films ou de pièces de théâtre. Xelius est un designer sonore et compositeur de musique électro-acoustique. Il fabrique des appareils analogiques pour le traitement synthétique du son. Il affiche aussi de nombreuses collaborations avec des chorégraphes spécialisés en musique électronique ou des artistes de musique contemporaine. Quant à El Toxyque, alias Enrico Mangione, il est un improvisateur dans le domaine de l’électronique extrême, où il utilise toutes sortes d’instruments et même des objets de la vie courante. Il collabore depuis 2012 avec Xelius sur le projet Drone Night, une entreprise de musique intuitive.
Ces trois savants fous mis ensemble, on comprend que la musique qu’il vont élaborer va planer bien haut, trop haut peut-être pour de nombreux esprits terre-à-terre pour qui la musique, c’est de la mélodie, une instrumentation rationnelle, des refrains et des couplets bien ordonnés. Mais avec Niton, c’est le domaine de l’avant-garde tellement en avance qu’on ne la voit plus, des ondulations stroboscopiques récurrentes et hypnotiques, parsemées de stridulations cosmiques et de sifflements synthétiques. Le trio élabore d’interminables improvisations de sept à dix minutes, à la structure minimaliste propice au règne d’une atonalité dominante, dans laquelle viennent s’insinuer bruitages tubulaires et tintements métalliques. Le traitement dure 76 minutes, moins longtemps qu’une séance d’IRM mais avec à peu près les mêmes orientations musicales.
Vous voilà avertis. Les curieux et les dépravés peuvent tenter de se plonger dans cette œuvre dense et déconcertante, les traditionnalistes peuvent retourner gentiment à Status Quo ou aux Arctic Monkeys sans passer par la case Niton.
Pays: IT
Pulver und Asche Records
Sortie: 2015/05/11