NERV – Vergentis in senium
« Tortures », « Savonarole », « Captive », « Martyrs », « Suffer » : les titres qui apparaissent de prime abord sur l’album de Nerv sont déjà l’indice que ces gens-là ne sont pas là pour rigoler. Et en effet, lorsqu’on s’enfonce dans l’écoute de « Vergentis is senium », on sent le fer rouge des tourmenteurs du postcore qui vient vous chauffer les tympans et vous faire fondre la cervelle.
Un autre rapide coupe d’œil sur la toile à propos de Nerv montre aussi que ce groupe français est en train de faire vibrer les chroniqueurs de sites musicaux indépendants aux quatre coins de l’Europe. Que ce soit en Italie, en Espagne, en Allemagne ou en France, on ne tarit pas d’éloges sur le dernier album de Nerv.
Il fallait bien qu’on se fasse aussi l’écho en Belgique de ce disque qui risque effectivement d’en retourner plus d’un. Nerv signe ici une œuvre d’une force et d’une complexité magistrales. Il faut dire que ce quatuor originaire de Chambéry a eu le temps de peaufiner son style. Formé en 1999 par Jérémie Maxit (batterie), David Favero (basse), Raphaël Bouvier (guitare) et Christophe Denhez (chant), Nerv sort progressivement de son repaire pour se faire connaître dans son voisinage. On trouve une première trace marquante sur la compilation « Revolution calling », publiée par Listenable Records en 2005. A l’époque, le groupe avait déjà à son actif un EP nommé « Mech. Naturaleza », qui sera rejoint en 2006 par un autre EP baptisé « Away. Fromanyhuman », trois titres de mathcore chantés avec des grognements death metal.
Aujourd’hui, c’est à un véritable album long format que nous convie Nerv, avec ce « Vergentis in senium ». Le titre de cet album, associé avec le titre de quelques morceaux, annonce un disque concept. En effet, « Vergentis in senium » est le titre d’une bulle du pape Innocent III, datant de 1199 et instituant une procédure de lutte contre les hérétiques, et posant par la même occasion les bases de l’Inquisition. Cette idée de base reste très cohérente quand on considère des titres comme « Catherine Deshayes » ou « Savonarole ». Le premier fait référence à celle qu’on appelait la Voisin et qui se rendra coupable au 17e siècle d’une hallucinante série de meurtres rituels de nouveaux nés au cours de messes noires, sans parler d’empoisonnements multiples et d’avortements à la chaîne. Inutile de dire qu’une fois cravatée, la drôlesse termine vite fait bien fait au bûcher, le 22 février 1680. Le deuxième morceau rappelle la mémoire de ce bon Jérôme Savonarole (1452-1498), prédicateur florentin extrémiste qui luttait contre la corruption morale de l’église catholique. Instigateur d’une dictature théocratique à Florence en 1494, il commença à emmerder le monde et finit lui aussi au bûcher. A l’époque, on traitait les intégristes religieux par encore plus d’intégrisme.
Tout ça pour vous dire que l’album de Nerv inspecte les arcanes les plus sombres de la folie humaine et du mal. Ces thèmes sinistres sont formidablement bien illustrés par la musique, qui broie les tympans par moult changements de rythmes, assaut sonores dévastateurs ou constructions d’ambiances lugubres et froides. Le chant est moins rugueux qu’à l’accoutumée mais porte en lui tous les stigmates de l’angoisse et de la rage. Le groupe s’offre de longs développements sur certains morceaux, dont les trois derniers flirtent avec les sept minutes. Cela donne l’occasion d’explorer toutes les possibilités du style défendu par Nerv, qui élabore ici un mélange puissant de métal torturé et de hardcore complexe. La richesse de l’œuvre dévoile ses qualités au fil des écoutes et fait réellement espérer que Nerv sera plus régulier et surtout plus fréquent dans la livraison de ses disques futurs.
Pays: FR
Autoproduction
Sortie: 2015/02/10