WINGFIELD, Mark – Proof of light
La véritable dénomination de cet album implique également au côté de Mark Wingfield les musiciens Yaron Stavi et Asaf Sirkis, sur lesquels nous reviendrons. Mais pour le moment, il faut d’abord dresser le portrait de ce Mark Wingfield, un compositeur anglais qui, en matière de jazz rock et de musique contemporaine, fait office de sommité, d’abonné de première classe à l’Olympe. L’influence et le respect que Mark Wingfield a en effet suscité dans le milieu très select du jazz rock est effectivement considérable.
Ayant appris la musique par lui-même avant d’étudier l’orchestration avec un ponte de l’université de Cambridge, Mark Wingfield a gravi régulièrement et solidement les échelons séparant la plèbe des patriciens en matière de musique avant-gardiste subventionnée par les pouvoirs publics et vénérée par l’intelligentsia de la critique internationale.
Intéressé par le jazz et plus particulièrement par John Coltrane, Miles Davis, Jan Garbarek ou Keith Jarrett, Mark Wingfield n’est pas non plus insensible aux univers rock (avec Jimi Hendrix comme influence) ou musique du monde (avec un intérêt poussé pour les sonorités africaines ou japonaises). Ajoutons à cela la musique classique contemporaine et on trouve chez Wingfield un vaste univers varié et complexe dans lequel la dextérité et l’imagination du personnage trouve un fécond terrain d’expression.
L’œuvre de Mark Wingfield s’est matérialisée à travers de nombreuses collaborations, avec la chanteuse libanaise Samia Afra, les musiciens Gökhan Özyavuz (Turquie) ou KT Lumpa (Zambie). De façon beaucoup plus originale, Mark Wingfield a participé au groupe virtuel ResRocket, une formation reliant via Internet des célébrités comme Dave Stewart, Todd Rundgren, Peter Gabriel, Tricky, Matt Black ou Elliot Randall. Ce groupe a effectué une tournée européenne au cours de laquelle des musiciens physiquement sur scène étaient accompagnés par d’autres, filmés et projetés sur écran grâce aux technologies de communication modernes.
La musique de Mark Wingfield est également enseignée sur les bancs des plus grandes institutions universitaires anglo-saxonnes, comme le Goldsmith College et le Royal College Of Music londoniens ou le Dartington College Of Arts. Enfin, en tant que musicien solo et patron du Mark Wingfield Group, il est responsable d’une demi-douzaine d’albums.
Dernière création en date, ce « Proof of light », que Mark Wingfield sort sur le label Moonjune en compagnie de deux génies de l’improvisation. Yaron Stavi (basse et contrebasse) a travaillé avec Robert Wyatt, Phil Manzanera, David Gilmour ou Richard Galliano. Et Asaf Sirkis (batterie et percussion) fait tout aussi bien avec des collaborations impliquant Larry Coryell, Tim Garland, Jeff Berlin, Nicolas Meier ou Gilad Atzmon.
Ensemble, le trio construit en neuf morceaux instrumentaux un grand moment de jazz fusion basé sur les improvisations et les prouesses techniques. La guitare de Mark Wingfield chahute le solo et élabore des nappes vaporeuses ou nerveuses servant de tissu aux élans de la batterie ou aux savantes constructions de la contrebasse. Les trois gaillards prennent le temps de concocter des ambiances denses et inextricables au cours de morceaux assez longs (« Mars Saffron », « The way to Etretat », « Voltaic », « Proof of light »), se permettant des compositions en contrepoint rythmique, s’accompagnant mutuellement sur d’épiques solos ou dévalant manches et fûts avec vigueur et puissance.
On est effectivement sur des terrains préalablement visités par Larry Coryell, John McLaughlin ou Allan Holdsworth. Mais Wingfield et ses hommes rajoutent un grain, une patte qui marque le disque d’une forte personnalité. « Proof of light » se situe à la fois dans la tradition jazz fusion et dans de nouvelles tentatives payantes pour faire évoluer ce genre pourtant rigoureusement codé. A découvrir pour la performance et une savante mise en scène musicale.
Pays: GB
Moonjune Records
Sortie: 2015/02/17