GENTLE LURCH (The) – Workingman’s lurch
« Le rock français, c’est comme le vin anglais », avait l’habitude de dire le regretté John Lennon. Et le folk allemand, c’est comme quoi? La musique militaire galloise? Pas vraiment, si l’on en juge par les états de service des intéressants The Gentle Lurch, formation regroupant des ex-enfants de l’Allemagne de l’Est, constituée à Dresde il y a une petite dizaine d’années.
Le noyau dur du groupe, Lars Hiller (chant, guitare, harmonica, banjo), Frank Heim (chant, guitare) et Cornelia Mothes (chant, piano, orgue, accordéon), ont l’habitude de laisser du temps se passer entre chacune de leurs interventions discographiques. C’est ainsi que le deuxième et double album « The beat of the heart is the beat of the boss » (2007) voit le jour deux ans après « From around a fire » (2007) mais ne connaît de successeur que cette année avec ce « Workingman’s lurch », lointaine consonance du « Workingman’s dead » des historiques Grateful Dead.
Cet album du Dead étant, en cette lointaine année 1970, fortement influencé par la musique folk, il ne faut pas s’étonner de retrouver chez The Gentle Lurch des atmosphères calmes et sereines, toutes en acoustique délicate et en finesse dentelière. Mais The Gentle Lurch est plus que ça. La presse a eu l’occasion de comparer ce groupe à un équivalent allemand de Wilco et d’autres rapprochements avec Lambchop ou Tindersticks ont également été tentés.
Toutes ces analyses sont pertinentes et l’écoute de « Workingman’s lurch » se révèle être un voyage dans des atmosphères finement ciselées, patiemment montées sur des bases de piano et de rythmiques discrètes. Le chant passe de voix en voix, tantôt chez la cristalline Cornelia Mothes ou le plus grave Lars Hiller. Aucun accent de Saxe ou du Mecklembourg ne vient trahir l’origine teutonne du combo et on se retrouve à s’imaginer au cœur de l’Amérique de Calexico ou 16 Horsepower. Mais on est en fait dans une banlieue ouvrière de Dresde, précisément dans une chocolaterie abandonnée qui a servi de studio de fortune pendant les deux années dont The Gentle Lurch a eu besoin pour composer son troisième album.
Heim, Hiller et Mothes se sont entourés de nombreux musiciens, comme Timo Lippold et Ronny Wunderwald qui ont rejoint le groupe en tant que bassiste et batteur. Mais on compte aussi Johannes Gerstengarbe (guitare, mandoline et banjo) et Ludwig Bauer (clarinette), ainsi qu’une section de violonistes et des choristes qui donnent aux morceaux de cet album une ampleur et une profondeur d’une inattaquable sincérité. Des mélodies graciles et vaporeuses (« The darkest grove of pines ») cohabitent avec des rythmes plus dansants (« Cannot ») ou de douillettes chansons que n’aurait pas reniées un Lou Reed rêveur (« Workingman’s lurch »).
Tous ceux qui pensaient que l’Allemagne pouvait juste se résumer à l’industrie lourde, les bombardiers en piqué, les patates au lard, les œuvres en Nietzsche ou les chansons de Tokio Hotel en seront quittes pour remiser leurs préjugés au placard et admettre que la finesse et la grâce peuvent aussi fleurir outre-Rhin par l’entremise d’esthètes sonores comme The Gentle Lurch.
Pays: DE
K & F Records
Sortie: 2014/07/25