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CLAPTON, Eric – Behind the sun

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Que reste-t-il du rock des années 80? La mémoire collective a gardé le souvenir de groupes mastodontes comme Toto, Dire Straits, des scies new wave comme Tears For Fears ou Spandau Ballet, sans parler des Communards. On pense aussi à ces festivals géants et mondialement télévisés, comme le fameux Live Aid qui mettait en lice de vieilles gloires des années 70. Le hard rock se parait de rubans colorés et d’oripeaux flashy pour devenir hair metal et le punk avait disparu sous d’épaisses couches underground, en attendant de réapparaître dans les années 90.

Et au milieu de tout cela, des dinosaures inébranlables comme Eric Clapton continuaient leur bonhomme de chemin. En 1985, Eric Clapton vient de sortir d’une période troublée mais reste sujet à la tourmente. Il revient de cure de désintoxication où il s’est débarrassé d’un alcoolisme dévastateur mais connaît la fin de sa relation avec sa femme Patti Boyd, qu’il avait piquée à George Harrison sept ans auparavant. Sa maison de disques Warner, qui a récemment pris en main sa destinée artistique avec l’album « Money and cigarettes » (1983), n’est pas très satisfaite des résultats commerciaux de cet album et fait doucement comprendre à Clapton qu’il a intérêt à faire mieux lors du prochain disque.

C’est dans cette atmosphère délicate que Clapton met en chantier « Behind the sun », un disque qui se veut ambitieux par le nombre des musiciens invités et le prestige du producteur. C’est en effet à Phil Collins que Clapton remet la console des studios AIR de l’île antillaise de Montserrat durant l’automne 1984. Côté musiciens, Clapton s’entoure de gens renommés, comme les guitaristes Lindsay Buckingham (Fleetwood Mac) et Steve Lukather (Toto), les batteurs Jeff Porcaro (Toto) et Gary Oldaker (Bob Seger, Eric Clapton), les bassistes Donald Dunn (Booker T & The MGs) et Nathan East, les claviéristes Chris Stainton (Joe Cocker, The Who, Bryan Ferry), Greg Philliganes (Stevie Wonder), James Newton Howard ou Michael Omartian. On remarque aussi la présence de Ted Templeman (producteur de Van Halen et des Doobie Brothers) qui participe aux percussions et produira trois des onze titres de l’album. Phil Collins ne se contente pas de produire mais joue aussi des percussions ou chante dans les chœurs sur certains morceaux.

Clapton garde un excellent souvenir des sessions d’enregistrement de l’album, du moins de sa seconde version car une première mouture de « Behind the sun » avait été refusée par Warner. Le label a ainsi imposé à l’écriture de certains titres Jerry Lynn Williams, qui apporte « Forever man », « See what love can do » et « Something’s happening ». « Forever man », premier single de « Behind the sun », rencontrera d’ailleurs un beau succès commercial, arrivant à la première place du classement Mainstream Rock Tracks et 26e du Billboard Hot 100. Les autre singles, « See what love can do » et « She’s waiting » feront respectivement 20e et 11e au Mainstream Rock Tracks. Quant à l’album « Behind the sun », il fait 34ème au Billboard américain et 8ème en Grande-Bretagne.

Le score américain n’enthousiasme pas la maison Warner. Il faut dire que cet album, sans être médiocre, n’est pas le plus extraordinaire de l’ex-guitariste des Yardbirds. La production signée Phil Collins, cérémonieuse et ampoulée, dégoulinante de batteries électroniques et de synthétiseurs typiquement eighties, n’a pas tenu le test du temps. Les compositions se défendent bien (« She’s waiting ») mais la structure de l’album est assez disjointe. Clapton et ses ouailles ne se foulent pas trop en reprenant l’archi-connu « Knock on wood », histoire d’attirer le chaland sur des chantiers battus et rémunérateurs. Il est quand même étonnant de remarquer que sur les trois titres sortis en singles, ces trois seuls titres à avoir un peu cartonné dans les charts, deux sont écrits par Jerry Lynn Williams et produits par Ted Templeman. On ne jettera pas le discrédit pour autant sur les compositions de Clapton (qui convainc sur les tendres « Never make you cry » et « Behind the sun ») mais on peut se permettre de rappeler qu’avec sa production boursouflée, Phil Collins est au rock ce que le phylloxera est au raisin, une véritable plaie.

Au final, il faut prendre « Behind the sun » pour ce qu’il est, c’est-à-dire un album pur produit des années 1980, période désormais considérée comme assez kitsch du point de vue musical par les historiens du rock. Cet album intéressera donc en priorité les historiens et les déviants affichant une certaine fascination pour le mauvais goût. Les authentiques fans de Clapton se tourneront davantage vers les albums de Cream, les excellents live « Rainbow’s concert » (1973) et « Just one night » (1980) ou les œuvres solo plus récentes des années 90 et 2000, qui marquent le retour d’Eric vers le blues.

Pays: GB
Audio Fidelity AFZ 175
Sortie: 2014 (réédition, original 1985)

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