DUBOIS, Xavier – Sunset gluts
Rechercher des informations sur Xavier Dubois sur Internet revient à se trouver confronté à une myriade de pages Facebook et d’autres réseaux sociaux où tous les Xavier Dubois de la planète se sont inscrits et présentent les mérites de leur entreprise de toilettage pour chiens, leur passion pour les statues de l’île de Pâques ou leur cabinet d’avocat pénaliste à Rocamadour. En affinant la recherche, on parvient enfin au personnage qui nous intéresse : le musicien Xavier Dubois, de nationalité belge, guitariste chez Ultraphallus et Y.E.R.M.O. ou encore duettiste avec le poète Vincent Tholomé.
Ultraphallus, Vincent Tholomé : on voit tout de suite la vaste amplitude des goûts et des préoccupations artistiques de Xavier Dubois. En effet, pour officier à la fois dans une groupe stoner doom ultra-épais et composer des vers avec un poète avant-gardiste, il faut avoir une sacrée palette et une grande ouverture d’esprit. Quant à Y.E.R.M.O., on est carrément dans l’expérimentation électro-indus avant-gardiste totale.
Cette largesse de pensée, Xavier Dubois nous la montre sur son album solo « Sunset gluts », dont le concept est relativement simple : de courtes pièces à la guitare acoustique ou à l’ukulélé baryton, entièrement instrumentales. J’en vois déjà suer sang et eau, la gorge écrasée par la panique et le front plissé par l’angoisse, à l’idée de se coltiner 40 minutes de gratouillis à la fois composé et improvisé, reconstituant aussi bien des ambiances champêtres que des textures pour films noirs.
C’est vrai qu’il va falloir mobiliser un peu d’attention et de concentration intellectuelle sur ce projet pas facile d’accès, malgré sa simplicité théorique. Au départ, on entend défiler de petites litanies à la fois tristes et bucoliques, on remarque une reprise d’un morceau de John Zorn (« Kivah ») et l’on voit surgir mille occasions de sombrer dans une torpeur neurasthénique. La production aride, le jeu spartiate et triste de Dubois, la raideur de certaines ambiances sont en effet propices au vague à l’âme.
Mais cependant, alors que l’on progresse à pas boueux dans ce défilé acoustique dépouillé, on sent venir quelques fragrances plus expérimentales qui donnent enfin une originalité à un projet dont tout laissait à penser qu’il pouvait tomber dans le piège de la platitude. Lorsqu’un ukulélé déglingué reconstitue les sonorités d’un théâtre japonais décadent (« Adentunemul »), ou quand Dubois se met à racler ses cordes pour imiter les râles d’une scierie moribonde (« Adkintuwe »), on sent que le projet décolle vers des sphères expérimentales qu’on peut considérer comme assez absconses mais qui, pour certains, sont une tentative de tutoyer le génie.
C’est à partir de cette seconde moitié d’album que les constructions musicales de Xavier Dubois prennent un aspect hanté (« The story of Leander Waeghe », du nom d’un patriote belge abattu par les Allemands en 1915) ou littéralement déroutant (« Bifurcaria bifurcata », « The curtain »). C’est à force de se plonger dans cette œuvre, de la connaître, de placer son esprit dans la bonne configuration que l’on finit par apprécier l’étrangeté et l’audace du projet. Ce n’est pas le genre d’album à mettre en fond musical pour faire la vaisselle mais c’est certainement recommandé pour les séances de méditation sur le sort du monde.
Xavier Dubois viendra nous faire profiter de ses talents au Beurschouwburg de Bruxelles le 5 avril prochain, lors du Jazzeux Festival. On pourra aussi le voir à la Dame de Pique à Namur le 12 avril et au Cupper Café de Liège le 19 avril.
Pays: BE
Humpty Dumpty Records
Sortie: 2014/03/16