TWILIGHT – III: Beneath trident’s tomb
Si cet album de Twilight porte le numéro trois, c’est qu’il y en a eu deux autres avant. Et forts de cette déduction puissante qui ferait passer Sherlock Holmes pour un idiot de village, nous pouvons entamer une évocation de ce groupe pas banal. Ou plutôt super-groupe car Twilight est une association entre personnages de la scène métallique et post-métallique américaine qui ont toujours quelques fers en même temps au feu.
Commençons d’abord par expliquer que Twilight explore une veine peu commune entre sludge metal et black metal, ce qui permettra aux amateurs de pop à synthés ou de folk benêt de mettre rapidement les bouts pour aller voir ailleurs. Twilight est né dans des circonstances tumultueuses de la collaboration de quelques chefs de gangs sludge ou black : N. Imperial (Krieg), Wrest (Leviathan, Lurker Of Chalice), Malefic (Xhastur), Blake Judd (Nachtmystium) et Hildolf (Draugar). Les méthodes ultra-souterraines du groupe (commercialisation de la musique par le biais de cassettes vendues par correspondance, absence de concerts, pas d’interviews) aboutissent rapidement à une dissolution après la sortie du premier album éponyme.
Cinq ans plus tard, en 2010, le monstre est réveillé et Twilight sort de ses laboratoires maudits un deuxième album, « Monument to time end ». Hildolf et Malefic ne sont plus dans le coup mais Twilight peut désormais compter avec Sanford Parker (Minsk, Corrections House), Stavros Giannopoulos (The Atlas Moth) et Aaron Turner (Isis), autant dire à nouveau du beau linge en matière de sons dénaturés et de vision angoissante des choses. A nouveau, le minimalisme de la promotion et la résistance aux propositions de tournées mettent Twilight en veilleuse, ses musiciens reprenant leurs activités multiples.
La troisième étape sème encore son lot de surprises puisque ce n’est ni plus ni moins que Thurston Moore en personne qui rejoint Twilight pour « Beneath trident’s tomb », en remplacement d’Aaron Turner. Oui, vous avez raison d’essuyer vos lunettes au papier de verre pour voir si vous avez bien lu. Il s’agit effectivement du Thurston Moore de Sonic Youth, qui fait ici une sorte de révélation sur son intérêt plus que vif pour le black metal. Ainsi, l’un des groupes les plus endurants et fameux de la scène indie américaine des années 90 et 2000 cachait en son sein un black métallurgiste frustré. On commence à comprendre pourquoi Moore a divorcé de sa femme Kim Gordon, mettant fin par la même occasion à la longue carrière de Sonic Youth.
C’est ainsi que naît ce « III: Beneath trident’s tomb », collection de six morceaux englués dans le sludge et le black metal le plus malsain et corrosif. Quatre des six morceaux fricotent allègrement avec les huit minutes, permettant au groupe de se laisser aller à des ambiances morbides et poisseuses, à la lourdeur colossale et aux préoccupations anti-mélodiques pleinement assumées. « Oh wretched son », « Swarming funeral mass », « Seek no shelter fevered ones » ou « A flood of eyes » lâchent sans vergogne des râles crasseux de goules pourrissantes, des flots de guitares morbides et de la rythmique disloquée. La longueur de ses morceaux est l’occasion de se perdre dans des changements brutaux de rythmes ou d’ambiances, toujours placées sous le signe de la malfaisance la plus extrême.
Album idéal pour un après-enterrement ou une petite réunion de sorciers inscrits à la sécurité sociale, « III: Beneath tridents’s tomb » vous dresse les cheveux sur la tête ou vous enfonce dans la neurasthénie globuleuse la plus totale. Ceux qui aiment ce genre de plaisanterie pourront s’y laisser aller sans déplaisir. A l’heure où nous éditons ces lignes, une nouvelle dissolution de Twilight est annoncée, comme d’habitude. Jusqu’à la prochaine résurrection…
Pays: US
Century Media
Sortie: 2014/03/17