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BLACK SABBATH – 13

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Trente-cinq ans que le monde du rock en général et du heavy metal en particulier attendait ça : un album de Black Sabbath avec Ozzy Osbourne au chant. Un tiers de siècle, 12780 jours… Bon sang, que ce fut long ! Il est vrai que les fans des concepteurs du heavy metal et de tous les sous-genres qui en découlèrent avaient quand même pu compenser le chagrin du départ d’Ozzy Osbourne en 1979 par des réincarnations sympathiques des forgerons de Birmingham, notamment avec l’immense et regretté Ronnie James Dio en 1980-82 (« Heaven and hell » et « Mob rules ») et 1992 (n’oublions pas le fabuleux album « Dehumanizer »). De son côté, Ozzy Osbourne a plus que fait pour faire pardonner sa défection de Black Sabbath avec une carrière solo qu’on ne résumera pas ici puisque le monde entier la connaît.

Mais quand même, chaque fois que des rumeurs de reformation du line-up original de Black Sabbath se faisaient jour, le monde tremblait. C’est arrivé pour le fameux festival Live Aid en 1985, puis on a revu Ozzy Osbourne, Tony Iommi, Geezer Butler et Bill Ward en opération pour le live « Reunion » en 1998 (avec deux titres nouveaux en studio), puis enfin lors d’une tournée européenne en 2005. C’est à cette occasion que j’ai vu le line-up original du Sab en vrai à Nimègue et j’en garde un souvenir extraordinaire, et un peu mouillé puisque je me suis pris un seau de flotte en pleine face de la part de ce chenapan d’Ozzy Osbourne. Baptisé par Ozzy Osbourne, on peut quand même s’en féliciter…

Mais cette fois, c’est du vrai. Le gang d’Aston revient avec un album intitulé « 13 », sans doute en référence à l’année en cours, car il n’est pas le treizième album de Black Sabbath et il ne contient pas treize chansons. Peut-être peut-on y voir une référence à la date de la sortie du tout premier album du Sab en 1970, un certain vendredi treize du mois de février. Cette date est à marquer au fer rouge dans l’histoire du hard rock puisque c’est le jour de naissance du heavy metal et de tous ses petits frères doom, stoner, black, goth ou dark. Car Black Sabbath a tout inventé en la matière. Ne cherchez pas ailleurs, il est l’alpha et l’omega de toute la musique venue des recoins les plus sombres des enfers.

Ozzy, Tony et Geezer opèrent à nouveau ensemble, mais il faut noter un absent de taille en la personne de Bill Ward. Le batteur original a été laissé sur la touche pour des raisons diverses. On sait que sa santé est fragile (après des années d’excès) mais il semble aussi qu’il ait été écarté de la reformation pour de scabreuses raisons financières, ses émoluments ayant été jugés inacceptables, sans doute par le management qui gère cette opération de reformation. On sent derrière tout cela la patte impitoyable de Sharon Osbourne, l’épouse et gérante de l’empire Ozzy.

Mais il reste la musique et de ce point de vue, on ne peut que rester bouche bée devant l’immensité du travail accompli sur « 13 ». Déjà, quand on découvre l’identité du producteur, les chapeaux tombent immédiatement sur le sol : Rick Rubin, pas de commentaires. Et du côté des compositions, il va falloir s’accrocher à sa chaise parce que ça vibre un peu. Ozzy et ses sbires ont couché sur la partition huit titres phénoménaux, le plus souvent en mid-tempo mais toujours zébrés de solos de guitare sidérants et d’une rythmique colossale. Évidemment, on ne peut pas demander à ces sexagénaires de faire du speed metal à fond les ballons, c’est mauvais pour le cœur. L’absence de Bill Ward est compensée par Brad Wilk, cogneur qui obtint ses lauriers avec Rage Against The Machine et Audioslave. Là aussi, chapeaux bas. Tony Iommi accomplit des prodiges à la guitare ; difficile d’imaginer que ce grand homme luttait encore il y a peu de temps contre un cancer.

Le danger semble aujourd’hui écarté, mais cela n’empêche pas Black Sabbath d’évoquer la mort plus qu’il ne faut dans les chansons de « 13 ». On retrouve d’ailleurs les thèmes traditionnels de la weltanschauung sabbathienne : religion, mort et apocalypse. Rien sur les bicyclettes ou la culture des jonquilles, ceux qui avaient des espoirs de ce côté en seront quittes pour attendre la prochaine fois. Et c’est la fin du monde qui démarre l’album avec un « End of the beginning » référentiel. On retrouve tout le Black Sabbath original des débuts : riff introductif rappelant immanquablement celui du titre « Black Sabbath » de 1970, rythmique à la « Children of the grave » vers le milieu et final flottant genre « Megalomania » sur l’album « Sabotage » de 1975. L’imposante machinerie se poursuit sur le languissant « God is dead? », au titre légèrement provocateur dans un 21e siècle retourné à l’âge des bigoteries moyenâgeuses. Et le pilonnage continue avec le gigantesque « Loner », l’émouvant « Zeitgeist » (qui n’est pas sans rappeler la ballade « Planet caravan » de l’album « Paranoid » en 1970), l’épique « Age of reason », le massif « Live forever », le sénatorial « Damaged soul » ou le déterminé « Dear father ».

Il est fortement conseillé de se procurer l’édition de luxe de « 13 » puisque celle-ci contient un disque bonus proposant trois titres supplémentaires. Et ça démastique toujours autant avec un « Methademic » rapide et puissant, un « Peace of mind » plus lent mais tout aussi efficace et un « Pariah » qui donne des leçons à tous les prétendants métallurgistes du moment. Avec « 13 », Black Sabbath revient sur ses terres réclamer l’impôt dû au seigneur. Les black metalleux, les stoneux, les doomeux et autres grindcoristes viennent déposer fébrilement leurs armes devant le souverain. « Ça ira pour cette fois », dit ce dernier. « Mais souvenez-vous une bonne fois pour toutes que c’est moi le maître ». Bref, pour résumer « 13 » en quelques mots : le retour du roi.

Pays: GB
Vertigo Records
Sortie: 2013/06/10

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