CHICKEN SHACK – Goodbye
Après l’excellent « Imagination lady« (1972) et le très bon « Unlucky boy » (1973), Chicken Shack est sabordé par son créateur Stan Webb. Ce guitariste hors pair a toujours été un peu versatile avec ses équipes et n’a jamais hésité à organiser des valses de musiciens pour renouveler sans cesse son Chicken Shack. Mais cette première fin de Chicken Shack qui conclue la première phase de son existence, ces années 1965-73 où le blues rock du groupe n’a jamais été aussi brillant, n’est qu’un intermède puisque Stan Webb reformera son groupe dès 1976.
Entre-temps, le bon Stan est allé se commettre avec ses alter ego de Savoy Brown, autre formation blues rock anglaise ayant à sa tête un fondateur tout puissant et incontesté, Kim Simmonds. Le paradoxe est que Stan Webb rejoint en 1974 un groupe qui a abrité trois de ses propres ex-musiciens de Chicken Shack : Paul Raymond (claviers), Dave Bidwell (batterie) et Andy Silvester (basse). Mais ces derniers ont déjà quitté le Brown au moment où Webb débarque pour une tournée américaine en première partie de Deep Purple, qui s’avérera aussi picaresque qu’épuisante.
Mais en parallèle, on n’oublie pas Chicken Shack pour autant puisque le label Deram (chez qui étaient sortis les deux derniers albums du Shack) organise la sortie d’un album live en février 1974. Celui-ci retrace un concert donné à la Brunel University le 26 octobre 1973, spécialement organisé en vue d’un enregistrement live pour un album. Seulement, Stan Webb et ses hommes (Dave Wilkinson au piano, Rob Hull à la basse et Alan Powell à la batterie, soit une équipe entièrement nouvelle par rapport à celle du précédent album « Unlucky boy ») ne sont pas au courant qu’un album live est en préparation et exécutent leur prestation scénique sans un effort supplémentaire de préparation. C’est pour cela que Stan Webb a toujours déploré la commercialisation de cet album, qu’il juge indigne du niveau technique de son groupe.
Nous nous permettrons de contester néanmoins ce jugement de maître Webb, puisque ce « Goodbye » est tout simplement épatant et flamboyant. Rien n’est à jeter ici et la performance de Stan Webb à la six-cordes contribue à forger sa légende de guitariste extraordinaire. La set list est un peu particulière puisqu’aucun titre du récent « Unlucky boy » n’y figure et Chicken Shack est également un peu avare sur les morceaux de son avant-dernier album de l’époque, « Imagination lady ». On y trouve une version de « Crying won’t help you now », camouflée sous le titre « You’re mean » ainsi que des versions mirobolantes de « Poor boy » et de « Going down », la célèbre reprise de Don Nix.
D’autres reprises de toute beauté viennent faire reluire ce live, avec « Everyday I have the blues », le classique popularisé par B.B. King qui ouvre le disque sur un mode boogie impérial, un « Thrill is gone » sénatorial qui nous glisse dans les oreilles comme du miel ou le final frénétique « Tutti frutti » qui présente le classique de Little Richard sous un jour entièrement neuf. Et durant tout l’exercice, Stan Webb inonde l’espace de ruades de pédales wah-wah, de glissandos terribles sur le manche et de vibratos suaves qui illuminent sa Gibson Les Paul. Le piano de Dave Wilkinson est très présent (certains pourraient dire un peu trop mais ça se discute) et la section rythmique tient le tout avec la rigueur d’un enseignant jésuite évangélisant le Matto Grosso.
Bref, Stan Webb n’a pas le droit de se plaindre de la qualité de cet excellent album live. De nos jours, de petits groupes de jeunes prétentieux tentent de nous faire avaler le prétendu génie d’albums live parfaitement affreux, et il faudrait écouter les plaintes d’un authentique demi-dieu de la guitare qui minimise à tort son propre travail ? Replaçons les valeurs là où elles doivent être : « Goodbye » est un formidable album, qui conclue avec grandeur la première partie de l’existence de Chicken Shack. On retrouvera le groupe de Stan Webb frais et dispos en 1978 pour une nouvelle phase de sa carrière, avec les excellents « The creeper » (1978), « That’s the way we are » (1979) ou le live « Roadies concerto » (1981), et plein d’autres albums par la suite puisque Chicken Shack continue d’exister aujourd’hui.
Pays: GB
Esoteric Recordings ECLEC 2379
Sortie: 2013/02/25 (réédition, original 1974)