BIFFY CLYRO – Opposites
Avec un sixième album à son palmarès, Biffy Clyro monte peu à peu la hiérarchie des groupes rock, passant de la catégorie espoir (« Blackened sky », « The vertigo of bliss », les deux premiers albums de 2002 et 2003) à celle des groupes à ne pas perdre de vue (« Infinity land« et « Puzzle« , les albums de 2004 et 2007 qui projettent le groupe dans la dimension supérieure) pour finalement arriver dans le cercle fermé des prétendants au trône (« Only revolutions » en 2009).
Avec « Opposites », Biffy Clyro fait à nouveau bouger les lignes et se positionne désormais parmi les capitaines du rock anglais qui affichent six à huit albums (Muse, Stereophonics, Radiohead et même Blur et Oasis si on fait abstraction de leurs suspensions de carrière à répétition). Six albums, ce n’est pas rien, il faut avoir survécu à bien des choses et avoir quelques idées pour arriver à ce niveau. Et Biffy Clyro est précisément un de ces groupes qui monte en puissance avec de plus en plus d’atouts de son côté. Encensé par le magazine anglais Kerrang!, nominé au Mercury Prize en 2010, élu meilleur groupe live par les magazines Q et NME en 2011, le trio écossais est à la porte du marché européen, équipé d’un bélier qui ne demande qu’à servir.
Car il y a encore un tout petit effort à fournir pour que Biffy Clyro ne rafle la mise et s’impose sur le continent comme il commence à se faire respecter dans sa Grande-Bretagne natale. Après avoir été remarqué au Pukkelpop de l’an dernier, Biffy Clyro a rempli l’Ancienne Belgique à la vitesse du son en février dernier. Leur réputation s’amplifie et leur dernier album « Opposites » est le tournant de leur gloire à venir ou de leur retour à la série B s’ils ne cassent pas la baraque. On aura l’occasion de les voir l’été prochain au festival de Werchter, perspective alléchante.
« Opposites » arrive quatre ans après « Only revolutions ». Biffy Clyro a donc pris son temps pour concocter ce nouvel album, d’ailleurs ambitieux puisqu’il se présente sous la forme d’un double album de vingt titres, assorti d’un DVD sur le making-of du disque. Malheureusement, nous n’avons reçu que la version simple de l’album, soit quatorze titres présentés dans un ordre différent. Avec quatorze titres sur vingt, on peut néanmoins avoir une idée assez précise de la façon dont se présentent les choses.
Cet album risque de surprendre ceux qui ont à très juste titre apprécié les albums « Infinity land » et « Puzzle », qui insistaient davantage sur le côté post-grunge de Biffy Clyro. Les propos d’« Opposites » sont plus nuancés, plus mélodiques et plus à même de séduire un public plus vaste. Faut-il y voir ici l’inéluctable glas qui sonne la fin de l’époque rebelle de Biffy Clyro au profit d’un tournant plus commercial ? Ce n’est pas aussi simple que ça car au fur et à mesure de la progression dans l’album, au fur et à mesure des écoutes, on distingue dans la cuvée 2013 de Biffy Clyro une grande palette de styles, une écriture subtile qui révèle une évolution du groupe du simple vers le compliqué, de la spontanéité vers la maturité.
Il faut oser tremper le pied dans la pop un peu émo de « Different people » mais passé ce cap, les morceaux d’« Opposites » affirment leur personnalité. Entre force sournoise camouflée sous la dentelle (« Black chandelier », « Victory over the sun »), ballades graciles (« Opposite », « The thaw ») ou utilisation de l’énergie électrique à des fins agressives (« The Joke’s on us », « Modern magic formula »), les jumeaux James (basse et chœurs) et Ben Johnston (batterie et chœurs) et le chanteur guitariste Simon Neil posent des constructions harmoniques proches de la perfection (« Spanish radio »), montent des pièces à la démesure musienne (« Biblical », « Trumpet or tap ») ou retrouvent leurs racines brutales sur l’efficace « Stingin’ Belle ».
Certes, cet album est plus policé, plus taillé pour les radios américaines, plus détaché des sources post-grunge ou post-core des débuts mais il n’en garde pas moins une belle personnalité. Là où des centaines de groupes du même tonneau se seraient lamentablement plantés sur le même genre de musique, Biffy Clyro passe. Il y en a qui savent faire, c’est tout.
Pays: GB
14th Floor Records
Sortie: 2013/01/28
