DAVIES, Debbie – After the fall
Dans le monde du blues, ce sont surtout les hommes qui président aux destinées du genre, laissant aux femmes une petite place dans les chœurs ou derrière un orgue Hammond B3, tout au plus. Mais il arrive fort heureusement que quelque donzelle vienne dire non à cet état de fait et sorte les guitares pour faire comprendre à ces Messieurs qu’il y a encore des Calamity Jane qui en ont autant dans le pantalon que les hommes.
Debbie Davies est de cette race, une guitare de fer dans une housse de soie rose, le charme associé à la poigne. La gamine qui grandit dans les années 60 à Los Angeles est immédiatement captée par le son rugueux des Bluesbreakers de John Mayall qui mettent à l’époque en lice ce jeune prodige d’Eric Clapton. Debbie Davies l’a décidé, elle deviendra blueswoman, ignorant les mélodies psychédéliques fleuries du moment et se rabattant sur les trois rois : B.B. King, Freddie King et Albert King. Debbie se fait les dents dans des petits groupes de rock ‘n’ roll durant les années 70, dans la région de San Francisco. Elle revient à Los Angeles en 1984 et démarre une carrière plus consistante dans le groupe de la femme de John Mayall, Maggie Mayall & The Cadillacs. Puis ce sera un emploi envié dans le groupe du mythique Albert Collins à la fin des années 80, avant une situation de guitariste lead chez Fingers Taylor.
Au début des années 90, Debbie Davies en sait assez pour mettre sur pied sa propre troupe de mercenaires du blues. Elle s’engage dans une carrière solo qui, dix-huit ans après et onze albums plus tard, se solde par une myriade de récompenses : dix nominations aux Blues Music Awards, un prix en 2010 dans la catégorie de la meilleure vocaliste féminine blues. Des gens importants la réclament en studio : Ike Turner, James Cotton, Mick Taylor, Peter Green, Duke Robillard, Tommy Shannon, Charlie Musselwhite, Bruce Katz, Per Hanson ou Rod Carey, excusez du peu.
Avec son « Blues blast » en 2007 et l’album instrumental « Holdin’ court » en 2009, Debbie devient une force reconnue parmi un public plus vaste. C’est donc pleine de confiance que la musicienne revient avec son nouveau « After the fall », un album marqué par quelques épisodes difficiles de l’existence : la perte de sa bonne copine Robin Rogers et un bras fracturé, ce qui n’est jamais bon pour un ou une guitariste. Accompagnée de Don Castagno (batterie), Matt Lindsey (basse), Scott Hornick (basse) et Bruce Katz (claviers), Debbie Davies livre ici une dizaine de titres qui fleurent bon le blues costaud et émotionnel. Debbie fait montre d’une maîtrise redoutable de la guitare, sur lit de rythmique soigneusement cimentée (« Don’t put the blame » « The fall », « Done sold everything », l’instrumental « R.R. boogie »). Elle adoucit les propos, comme seule une femme peut le faire, sur des moments plus recueillis et touchants (« True blue fool », « Little broken wing », l’hommage à Robin Rogers sur « Down home girl ») et fait swinguer le monde sur « Goin’ to a gaggle » ou « Google me baby ». On remarquera aussi l’excellent « I’ll feel much better when you cry », blues ruisselant et cossu à la façon de Freddie King ou Buddy Guy. Du classique, mais avec quelle force !
Debbie Davies se pose en femme forte du blues et les machos de service auront intérêt à ravaler leur morgue devant cette nana qui taraude les guitares comme les grands.
Pays: US
M.C. Records MC-0069
Sortie: 2012/07/16