MAYER, John – Born and raised
Est-il encore nécessaire de présenter John Mayer ? Depuis une dizaine d’années, ce beau gosse originaire du Connecticut est venu prendre sa part du butin pop rock avec des albums qui se sont vendus par avions-cargos entiers. Matez un peu le pedigree : ses deux premiers albums « Room for squares » (2001) et « Heavier things » (2003) raflent le statut de multi-platine et le bonhomme gagne en 2003 un Grammy Award pour la meilleure performance vocale pop masculine de l’année. Il remet ça en 2005, 2007 et 2009, notamment grâce à son album « Continuum » (2006), qui reste à ce jour la grande référence discographique de John Mayer (numéro 2 au Billboard US, trois millions de copies écoulées dans le monde). Mais « Battle studies » (2009) n’est pas mal non plus avec une première place au Billboard et près d’un million d’albums vendus rien qu’aux États-Unis.
La pop mignonnette de John Mayer, qui a fait de lui à la guitare ce que Kenny G est au saxophone, a peu à peu évolué au cours du temps. Mayer est passé de la gentille chanson d’amour à des morceaux un peu plus influencés par le blues et la musique traditionnelle américaine. Attention, n’allez surtout pas croire que le bellâtre a soudainement abandonné sa coiffure bien soignée et ses fringues à la mode pour des frusques de bluesman abandonné sur un trottoir crasseux de Chicago. On reste quand même dans les limites de la décence et surtout du vendable, afin de satisfaire le très grand public. Mais avec ce nouvel album « Born and raised », il semble que John Mayer ait résolument opté pour des ambiances encore plus authentiques et originaires des racines véritablement folk et country de son Amérique natale.
Sa voix a porté John Mayer aux plus hauts sommets et lui a ouvert les portes d’un succès planétaire. Mais récemment, cette voix a bien failli ne plus jamais résonner comme avant. John Mayer a en effet annoncé l’automne dernier qu’il souffrait de granulomes à la gorge, autrement dit que sa gorge était enflammée par des nodules infectieux. Quelques séances de chirurgie plus tard et Mayer est enfin en mesure de sortir son « Born and raised », avec cependant six bons mois de retard sur le timing prévu. Faut-il de ce fait voir dans cet album un disque de remise en cause et de bouleversement chez John Mayer ?
Incontestablement, il y a du neuf dans l’inspiration de John Mayer, par rapport à son propre parcours. On quitte ici la pop mainstream pour un folk rock très seventies. Mais par rapport à l’histoire de la musique américaine en général, John Mayer se contente d’un bon album dont le folk a déjà été largement visité par Crosby, Stills, Nash & Young, Phil Ochs ou Bruce Springsteen. « Born and raised », avec sa pochette rappelant les vieilles étiquettes de bouteilles de bourbon, se veut foncièrement roots et americana, façon Dave Matthews Band en moins grandiloquent ou Ben Harper. On découvre au fil de ces chansons tranquilles et nostalgiques, des petites pointes de Neil Young dans « Harvest » (« If I ever get around to living »), des bouts de tristesse piqués au « Wild horses » des Rolling Stones (la chanson « Born and raised »), la sensibilité de Gram Parsons ou de Gene Clark.
Cet album aurait pu avoir été enregistré en 1973. On découvre même sur le livret du CD un John Mayer en chapeau et veste en denim, le regard perdu au loin, guitare acoustique en main. Cette photo n’a pas d’âge, elle montre un John Mayer moustachu, à mille lieues de l’éphèbe urbain que les jeunes filles énamourées connaissent bien.
Bref, ceux qui découvrent John Mayer, là, maintenant, avec cet album, se diront que ce disque est bien sympathique bien que n’ayant pas inventé le fil à couper le beurre. Ceux qui connaissaient le John Mayer pop et plein de succès vont au contraire se demander ce que leur idole est allée faire à la campagne. Quoi qu’il en soit, ce disque n’est pas mauvais, il est même assez agréable, mais il n’y a rien de bien révolutionnaire là-dedans. Si cet album avait été effectivement enregistré en 1973, il aurait été copieusement aplati et effacé par les monstres sacrés de l’époque, les Carole King, Joni Mitchell, Carly Simon, Townes Van Zandt ou Tim Buckley. Mais à notre époque où le folk est moins présent dans les têtes, il peut faire illusion, à condition qu’on n’ait pas encore découvert Ray LaMontagne.
Pays: US
Columbia 88691 97606 2
Sortie: 2012/05/21