JOAN & THE SAILORS – Mermaid
À l’écoute de ce premier album de Joan & The Sailors, on aurait juré avoir affaire à un groupe anglais. Un groupe anglais de Bristol, par exemple, la ville de Robert Wyatt et de Portishead. Les ambiances délicates et folk environnées de trip-hop de ce premier disque militaient à l’évidence pour Bristol ou toute autre ville anglaise battue par les vents maritimes, où les nuages bas pèsent sur les consciences et engendrent tristesse musicale et poésie lugubre. Eh bien non, Joan et ses marins ne sont pas anglais, ils ne sont même pas des marins puisqu’ils sont Suisses. Qui l’eut cru ?
Originaire de Lucerne, la belle Joan développe très tôt des prédispositions évidentes pour la musique. Des cordes vocales de soie enfermées dans une gorge d’airain, une maîtrise incontestable de la guitare : cette petite se devait de faire une carrière musicale ou à tout le moins apporter sa petite pierre à l’édifice. Espérons que cette petite pierre se transformera en muraille et soutiendra un pan entier de la musique à venir car ce qui ressort de ce « Mermaid » est tout à fait prometteur.
Joan Seiler (chant, guitare), Magdalena Bucher (violoncelle, chœurs), Mario Dotta (guitare, chant, percussions), Sergio Cruz-Crespo (guitare, chœurs), Danijel Tolic (basse) et Marc Rambold (batterie) ont mis sur pied une douzaine de chansons promenées de la mélancolie à la langueur, puis de la tristesse à la lassitude en passant par des colères sourdes ou de la nervosité introvertie. Certains vont encore y voir une belle bande-son pour après-midi pluvieuse, à relire les œuvres de Marguerite Duras en regardant un film de Tarkowski. Mais il ne faudrait pas négliger le côté poétique des choses, le mouvement de cet album qui glisse gracieusement dans les oreilles et sème de petites perles romantiques (« Jailheart », « Time of no time », « Rain in my chest », « Break of dawn », un « Où es-tu » chanté en français, le celtique « Again », « Out the door »), occasionnellement lardées de griffures de guitares désespérées (« Better off dead »). Le titre final « Mermaid » est tout simplement à tomber, terminal dans son esprit et lacrymal dans ses effets.
Oui, cet album a en quelque sorte le pied marin, avec une ouverture mentale vaste comme l’océan, la pureté d’un lac de montagne ou la vigueur d’un torrent fougueux. On est la plupart du temps au fond des eaux plutôt qu’en surface, à regarder les poissons-lune ou vibrer au son des vocalises des sirènes. Joan Seiler est la reine d’entre elles et son chant onctueux et ferme comme un mélange de Beth Gibbons, PJ Harvey et Grace Slick vient résonner dans nos oreilles en une irrépressible tentation, celle d’aller se perdre dans l’infini maritime et les profondeurs de l’âme. Écoutez le chant des sirènes.
Pays: CH
Little Jig Records
Sortie: 2012/05/07
