BLACKMORE, J.R. AND FRIENDS – Voices
La difficulté à se faire un prénom lorsqu’on a un parent connu constitue souvent un handicap supplémentaire si l’on veut suivre les traces de son géniteur dans la même voie. C’est probablement plus facile en politique où les compétences requises peuvent s’apprendre, ce l’est beaucoup moins dans le domaine artistique, où il est plus question d’émotions (en plus des compétences) de la part du public. Et que dire de plus quand le fils ou la fille concernée prend le chemin emprunté par un génie…
Son père s’appelant Ritchie Blackmore, on mesure que Jurgen (47 ans tout de même) n’a certainement pas droit à l’erreur pour son premier album et que la moindre petite faille sera scrutée, auscultée et offerte à la vindicte critique des journalistes et des fans du géniteur. Et pour ajouter encore au tableau, la ressemblance de Jurgen avec son père est évidente, s’habillant de noir et jouant sur Stratocaster. Difficile de faire filiation plus manifeste. D’autant que l’homme revient d’une tournée étalée sur 2 années avec le tribute band Over The Rainbow, reformé avec d’anciens membres de Rainbow tels que Joe Lynn Turner au chant, Tony Carey aux claviers, Greg Smith à la basse et Bobby Rondinelli à la batterie.
Le lien est ainsi fait entre l’homme, ses occupations musicales récentes et ce nouvel album, qui pourrait se présenter comme le nouvel opus de Rainbow. Traversé par des thèmes orientaux et classiques chers aux Blackmore, « Voices », 4e album dans la carrière de Jurgen Blackmore, se présente comme un véritable catalogue Rainbow, qui plus est, d’égale qualité. En effet, tant au niveau du son que des compositions, le groupe emmené par Jurgen Blackmore nous emmène pour un voyage au pays de l’Arc En Ciel.
Intelligemment titré « Voices », éliminant par là-même toute dimension mégalomaniaque du style Malmsteen, J.R. Blackmore indique aussi que les chanteurs occupent une place à part entière dans ce disque. Et comme les parties vocales ont toujours été traditionnellement supérieures dans toutes les versions de Rainbow (Ronnie James Dio, Joe Lynn Turner, etc.), elles le sont aussi sur « Voices », qui compte 2 chanteuses et 4 chanteurs, dont Oliver Hartmann (Avantasia, At Vance) et Michael Bormann. Quant aux musiciens, il n’ont rien à envier aux vocalistes, le claviériste Paul Morris ayant entre autres joué dans la dernière formation officielle de Rainbow (« « Stranger in Us all ») et pour Doro, le bassiste Danny Miranda pour Queen et pour Meat Loaf et le batteur Charly Zeleny, aussi directeur musical à ses heures, ayant collaboré avec Terry Bozio et Dream Theater tout en étant renommé comme batteur de session.
Tout ce beau monde nous a concocté un très bon album de hard rock, Jurgen Blackmore en ayant composé tous les morceaux, les paroles étant écrites ou coécrites par certains des musiciens et chanteurs. Les influences orientales se retrouvent éparpillées un peu partout mais sont manifestes sur « Voices » et « Devil disguise », 2 mid-tempi imparables. « Guardian angel » pourrait sortir en single et cartonnerait inévitablement auprès des fans de Rainbow. « Jekyll & Mr Hyde », construit en crescendo, nous offre un Dave Esser impérial au chant, avec une voix grave particulièrement captivante. Les références classiques apparaissent bien sûr dans « Beethoven » mais pas seulement. Il y a une ambiance fantastique dans « Nanshu », chanté par Ela, qui adopte un ton plus métal et sombre. Ce titre, un des meilleurs de l’album, aurait très bien pu figurer sur le « Gothic Kabbalha » de Therion.
Pour le reste, le hard rock de J.R. Blackmore & Friends joue dans la cour de Rainbow et tous les morceaux à l’exception de « Nanshu », pourraient côtoyer les derniers Rainbow et très aisément supporter la comparaison. Seule la ballade « Incomplete », chantée par Michael Bormann, rejoint un peu les clichés du genre, malgré la qualité vocale du chanteur. J.R. Blackmore ne veut pas concentrer sur lui toute l’attention mais privilégie une balance parfaite entre les instruments, et les parties de guitare et de claviers se retrouvent donc parfaitement équilibrées, comme elles pouvaient l’être dans Deep Purple ou Rainbow. « Between Darkness And Light » ajouté comme bonus track en fin de disque est un bel instrumental tiré d’un de ses albums précédents, sur un thème accrocheur.
On l’a compris, « Voices » se révèle un très bon album, basé sur de solides compositions, servi par des musiciens confirmés. Pas de faiblesse hormis la ballade par trop banale, J.R. Blackmore et ses amis proposent un album consistant dans la lignée de Rainbow dont les fans devraient se délecter en écoutant ce « Voices », tout comme ceux qui apprécient le hard rock mélodique tonique tel que pouvaient ou peuvent le pratiquer Dio, Whitesnake ou encore Deep Purple. Depuis que Ritchie s’est aventuré vers des horizons plus acoustiques avec sa belle, la place de Rainbow était à prendre, sans que jamais personne ne l’occupe véritablement. C’est chose faite avec Jurgen, successeur de Rainbow & Co, légitimé par le sang qui y coule, par le talent personnel qu’il y apporte et par le professionnalisme dont il fait preuve.
Liste des morceaux :
- Voices 7:05
- Guardian Angel 4:45
- Beethoven 7:16
- Destructive mania 7:10
- Incomplete 5:28
- Devil in disguise 6:12
- Jekyll & Hyde 6:10
- Victorious 4:56
- Nanshu 5:17
- We are rock’n roll 4:23
- Dreams (instrumental) (bonus track) 6:15
Musiciens :
- J.R. Blackmore – guitare
- Ela – chant
- Catherine Jauer – chant
- Michel Bormann – chant
- Oliver Hartmann – chant
- Markus Engelstädter – chant
- Dave Esser – chant
- Danny Miranda – basse
- Charly Zeleny – batterie
- Paul Morris – claviers
Pays: GB
JR Blackmore Records JRB710-1811
Sortie: 2011/10/21