FAREWELL POETRY – Hoping for the invisible to ignite
Voici les premiers jours de l’automne, et le moment idéal pour écouter Farewell Poetry en regardant les feuilles tomber et le vent souffler. Mélancolie garantie. Car avec Farewell Poetry, on ne rigole pas, on sort ses cahiers, on s’assoit et on écoute studieusement. En effet, comme son nom l’indique, Farewell Poetry, c’est de la poésie. Pas vraiment du Prévert mais plutôt du Baudelaire parce que question tristesse, le groupe nous en sert pour notre argent. Enfin, est-ce vraiment un groupe? C’est plutôt l’association de musiciens parisiens avec une poétesse franco-australienne qui est également réalisatrice de films.
Nous avons donc ici une belle rencontre de talents, où l’art va être célébré comme il le mérite. Jayne Amara Ross déclame de longs textes indolents et tristes, sur un accompagnement délicat de guitares et de rythmique. Si on appuie sur le bouton rock ‘n’ roll pour apprécier cet effort, ça ne marche pas, ça n’a rien à voir. Il faut plutôt se positionner dans une optique artistique, créatrice et poétique pour découvrir tout l’intérêt du travail de Farewell Poetry. Vous sortez d’un musée d’art contemporain, vous avez relu Lord Byron et revu quelques films d’Eric Rohmer? Parfait, vous êtes dans la configuration maximale pour vous faire charmer par ces trames musicales aériennes, nonchalantes, et par ces récitations douceâtres de textes lourds et malheureux.
L’album se compose en réalité de deux structures différentes. D’abord, le CD audio qui contient quatre titres dont deux sont associés en une longue suite. On démarre avec « As true as Troilus », très long texte au langage recherché, surréaliste, qui va vous faire ressortir le dictionnaire anglais-français si vous voulez comprendre les paroles. La seconde partie du titre est plus musicale, avec de magnifiques envolées post-rock, minimalistes ou drone. Les mêmes lois régissent « All in the full, indomitable light of hope », qui se déroule en deux parties et dont le texte évoque des ambiances, se réfère à des images, comme une sorte de trame pour un film. N’oublions pas que Jayne Amara Ross est également cinéaste, ce qui donne une transition idéale pour parler du DVD qui fait partie de ce « Hoping for the invisible to ignite ».
Le DVD est composé du court-métrage « As true as Troilus », qui est une illustration visuelle du poème du même nom. Des images en noir et blanc se succèdent, sans souci de logique : des mains qui tricotent, un nuage qui passe, un type avec un masque de cheval. Plus surréaliste, tu meurs. Tout cela ferait passer « Un chien andalou » de Buñuel pour le dernier film avec Arnold Schwarzenegger. La deuxième partie de ce DVD montre Farewell Poetry en prestation à l’église Saint-Eustache à Paris, avec la récitation du poème « As true as Troilus » devant un public qui doit s’élever à 23 personnes.
Ces 23 personnes ont fait le bon choix car la musique et le travail de Farewell Poetry sont foncièrement originaux et intéressants. Avec eux, c’est le retour à la création débridée, à l’audace, comme du temps de la Factory d’Andy Warhol et des happenings dérangés du Velvet Underground dans les années 60. Il est rassurant de voir qu’il y a encore des jeunes qui oublient de se zombifier devant leur GSM ou de ne penser qu’à s’habiller comme leurs voisins, et qui préfèrent la poésie et l’originalité. Certes, Farewell Poetry n’est peut-être pas à la portée du goût de tout le monde, mais ses efforts méritent le détour.
Pays: FR
Gizeh Records
Sortie: 2011/09/26