HENDRIX, Jimi – Winterland
Fin 1968, Jimi Hendrix est au sommet de son art et de sa popularité. L’enfant Noir de Seattle dont le talent a été négligé dans l’Amérique encore raciste de la fin des années 60 est parti faire fortune en Grande-Bretagne en 1966. Deux ans plus tard, il revient en triomphateur dans son pays natal au cours de deux importantes tournées : une première au printemps 1968 et une seconde au cours de l’automne. À l’époque, Jimi Hendrix vient de sortir son troisième album studio « Electric ladyland », une pièce de plus à verser au compte de son incroyable génie. S’ensuit une tournée de promotion qui va connaître son apogée au cours de trois journées de concert dans la salle du Winterland à San Francisco. Cette salle appartient au légendaire promoteur Bill Graham, qui gère aussi le fameux Fillmore, qui est durant les années 1965-71 l’abri et le phare du mouvement psychédélique américain. Le Winterland peut accueillir plus de 5000 personnes et se voit envahi par les fans de Jimi Hendrix au cours des 10, 11 et 12 octobre 1968, où Hendrix et son Experience (Noel Redding à la basse et Mitch Mitchell à la batterie) vont donner deux concerts par jour, un en fin d’après-midi et un en soirée. Ces six shows seront massivement médiatisés et le nombre d’enregistrements pirates qui va suivre sera tout simplement aberrant.
L’histoire de ces concerts au Winterland va d’abord passer par les enregistrements bootlegs, suivis par quelques extraits figurant sur des compilations sorties après la mort de Jimi Hendrix. Mais cela ne faisait que rendre très partiellement compte de ce qui s’était passé à San Francisco en octobre 1968. Avec le temps, la famille de Jimi Hendrix est parvenue à gagner une longue guerre contre tous les exploiteurs des enregistrements posthumes de Jimi, en devenant au final l’unique propriétaire de milliers d’heures d’enregistrements en tous genres. La réédition des œuvres officielles de Jimi Hendrix à la fin des années 90 fut ainsi suivie de la mise sur le marché de très nombreux concerts au cours des années 2000. C’est ainsi que les principaux concerts de Jimi Hendrix (Woodstock, île de Wight, Royal Albert Hall…) ont été restitués dans leur entièreté, avec un son amélioré. Les concerts du Winterland devaient logiquement, par leur ampleur, leur qualité et leur poids historique, subir le même traitement et la même résurrection.
C’est maintenant chose faite avec un copieux coffret de quatre CD déroulant la quasi-intégralité des concerts de ces trois jours d’octobre 1968. Je dis bien quasi-intégralité car, après analyse, une bonne douzaine de titres sur la cinquantaine joués en trois jours ne figurent pas dans ce coffret. Certes, nous n’avons reçu de Sony qu’un seul CD retraçant les grands moments des concerts du Winterland, soit onze des dix-huit titres qui avaient été joués en rotation au cours des six shows. Vous savez donc que vous avez le choix entre le petit CD résumé et le coffret quatre CD, qui enchantera surtout les fans invétérés du Maître, prêts à entendre cinq versions différentes de « Foxy lady » ou six de « Purple haze ». Enfin, pour ceux qui se procurent le coffret Sony, il s’agira en fait de trois et de quatre versions desdites chansons, car quelques doublons n’ont pas été intégrés dans le coffret. Les fans absolus d’Hendrix avaient depuis longtemps le coffret six CD pas tout à fait légal édité à partir des bandes possédés par le défunt Michael Jeffrey, manager douteux de Jimi Hendrix qui avait fait main basse sur des tas d’enregistrements après la mort du gaucher et qui s’était rempli les poches avec, jusqu’à sa mort en 1973. Dans ce coffret, on avait tout des six shows mais, il faut l’admettre, dans une qualité sonore légèrement inférieure à celle du coffret Sony.
Par conséquent, il va donc falloir casser à nouveau la tirelire et s’offrir ce coffret ou, si l’on est moins riche et moins motivé, le CD qui retrace les grands moments de ces magnifiques concerts au Winterland. On y découvrira encore une fois de sensationnelles versions de « Fire », « Foxy lady », « Like a rolling stone », « Hey Joe », « Here my train a comin’ », « Sunshine of your love », « Little wing », « Are you experienced », « Manic depression », « Voodoo child » ou « Purple Haze ». On est à ce moment-là, octobre 1968, au plus haut de la carrière de Jimi Hendrix. Après, ce sera 1969, le départ de Noel Redding et la séparation de l’Experience, Hendrix se tournant principalement vers les États-Unis et y travaillant d’arrache-pied. La suite, on la connaît : fondation du Band of Gypsies, travail sur le fameux « First rays of the new rising sun », le disque inachevé de Jimi Hendrix, sa descente progressive dans la drogue, son dernier grand coup scénique à l’île de Wight en 1970 puis son décès prématuré. Avec le recul, il s’avère que ces concerts au Winterland sont une des interventions les plus fabuleuses de Jimi Hendrix sur scène. Raison de plus pour s’y replonger.
Pays: US
Sony Music 88697 93618 2
Sortie: 2011/09/09