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CRAZY WORLD OF ARTHUR BROWN (The) – Strangelands

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Pour beaucoup, Arthur Brown reste l’immortel responsable du hit « Fire », qui connaîtra les honneurs des sommets des charts anglais ou canadiens au printemps 1968. Avec cette chanson, Arthur Brown est entré directement dans la cour des rock-stars, mais son univers fantasque et sa personnalité délirante ne correspondaient pas vraiment à cet univers et son séjour au sommet a duré peu de temps. La descente commence d’abord avec l’édition du premier album du Crazy World Of Arthur Brown, qui est loin de rencontrer un succès comparable à celui du single « Fire ». Arthur et son groupe ne s’attendaient pas au succès et improvisent dans la précipitation un album qui déconcerte le public. La tournée qui suit est assez désastreuse et entraîne le départ du claviériste Vincent Crane, qui embarque avec lui un batteur qui venait à peine d’arriver dans le groupe d’Arthur Brown, Carl Palmer. Ceux-ci fondent Atomic Rooster, qui connaîtra un petit succès dans le créneau du rock progressif énergique et pré-hard rock. Et Carl Palmer ira bien sûr fonder plus tard les titans du progressif que sont Emerson, Lake & Palmer.

Dès lors, le retour d’Arthur Brown et de son groupe dans l’anonymat se poursuit dans les circonstances rocambolesques de la fabrication de ce qui devait être le deuxième album du Crazy World mais qui terminera directement aux oubliettes. Au départ, Track Records, la maison de disques d’Arthur Brown, accueille favorablement l’idée d’un deuxième album et ne voit pas d’inconvénients à ce que le groupe s’isole dans un bled paumé du Dorset pour se ressourcer et créer dans la sérénité. Courant 1969, Arthur Brown et sa troupe composée de George Khan (saxophone), Jonah Mitchell (orgue), Android Funnel (guitare), Dennis Taylor (basse) et Drachen Theaker (batterie, d’abord remplacé par Carl Palmer mais de retour dans le groupe) débarquent à Puddleton, un paisible village, et s’installent dans une ferme où ils montent leur bric-à-brac dans le but d’enregistrer un album.

Le groupe conçoit dans la douleur et le bordel ambiant une série de titres largement improvisés, complètement fous, où Arthur Brown se livre à des incantations démentes sur fond de cacophonie et dans l’absence totale de direction musicale. On est ici en pleine expérimentation psychédélique déjantée, dans la droite ligne de Frank Zappa et surtout Captain Beefheart période « Trout mask replica ». Autant dire que tout ce fourbi musical farfelu rebute la maison de disques qui ne voit pas comment elle pourrait gagner un centime en publiant ce genre d’album. Ceci mine l’ambiance au sein du groupe d’Arthur Brown, qui est d’ailleurs le premier à quitter le navire pour fonder son nouveau groupe Kingdom Come et voguer vers d’autres cieux musicaux.

Ce départ aurait dû entraîner la disparition pure et simple du Crazy World mais incroyablement, les membres restants du groupe continuent de travailler sur des morceaux qui doivent faire du projet « The trials of the magician », devenu « Strangelands » un double album dont la sortie est toujours prévue. Puis, fait bien connu quand un leader disparaît, les chacals se disputent son empire mais sont incapables de construire sur du concret. Android Funnel et Drachen Theaker mettent au point un vague groupe du nom de Rustic Hinge qui compose dans la ferme de Puddleton une huitaine de titres fortement inspirés des délires beefheartiens de « Trout mask replica » mais dépourvus de chant. Tout ceci termine dans des tiroirs et ne sortira que près de vingt ans plus tard, en 1988. Cette année-là, sort un « Strangelands » attribué au Crazy World Of Arthur Brown et « Replicas », de ce fameux groupe Rustic Hinge.

Le label Esoteric Recordings ressort les deux œuvres en un seul CD, ce qui permet de découvrir ou redécouvrir la folie musicale d’Arthur Brown et de ses complices. Comme il a été dit plus haut, on est ici dans le cosmos délirant cher à Frank Zappa, Captain Beefheart ou d’autres fondus plus obscurs comme les Holy Modal Rounders, les Godz, Hapshash & The Coloured Coat ou les Fugs. Les amateurs de musique bien structurée et prévisible s’abstiendront. Mais ceux qui aiment l’insensé sonore et la folie douce expérimentale trouveront ici de quoi s’amuser.

Pays: GB
Esoteric recordings ECLEC 2258
Sortie: 2011/03/28 (réédition, original 1988)

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