APPEARANCE OF NOTHING – All gods are gone
L’air de rien, nos voisins helvétiques possèdent quelques grands noms dans l’univers du rock, Gotthard, Krokus ou Celtic Frost sont là parmi d’autres pour le prouver, et si leur nombre ne ferait pas vaciller celui des impérialistes scandinaves par exemple, leur qualité n’a par contre rien à leur envier ni à quelqu’autre groupe intercontinental qui soit. Voici un autre groupe suisse qui s’installe d’emblée dans la cour des grands, Appearance Of Nothing, qui réalise avec « All Gods are gone » son 3e album, si l’on prend en compte leur 1re démo, et ce en 7 ans d’existence.
Le groupe avance quelques atouts de taille dans leur conquête du monde musical et rock. Le premier d’entre eux est de compter en son sein deux chanteurs principaux, en l’occurrence le bassiste Omar Cuna et le guitariste Pat Gerber, l’un possédant une voix au timbre clair, l’autre une voix profonde et rauque, la combinaison des deux conférant une richesse vocale indéniable au band. Deuxième atout, cette richesse est encore renforcée sur le présent album par la présence de deux invités, et non des moindres, puisqu’il s’agit de Devon Graves de Psychotic Waltz et de Dan Swäno de Nightingale et Edge of Sanity, qui prend ici en charge le chant grunt, qu’il a aussi pratiqué sur le dernier album de Star One alias Mr Lukassen, « Victims of the modern age ». Troisième atout, Appearance Of Nothing est constitué de musiciens hors pair, jouant ensemble depuis plusieurs années, ce qui ajoute encore à leur cohésion.
Encore faut-il transformer ces atouts en un résultat séducteur et attractif, il ne suffit en effet pas d’avoir les ingrédients de la meilleure qualité pour réussir une cuisine gastronomique. C’est là qu’intervient le savoir-faire, lequel devrait alors idéalement s’allier avec le faire-savoir pour déboucher sur une œuvre indiscutable et reconnue. Appearance Of Nothing possède indéniablement ce savoir-faire et l’inspiration qui le magnifie, et ce « All gods are gone » se place tout simplement dans le lot supérieur des productions de métal progressif, bien au dessus de la mêlée, ce qui permet au groupe de s’asseoir aujourd’hui sans complexe à la table des grands, aux côtés des Symphony X, Dream Theater, Vanden Plas et autres Redemption.
Il est difficile de mettre en exergue dans cet album un morceau ou l’autre tant y est constante la qualité, tant y est permanente l’inspiration, tant y est dense la richesse musicale. Il y a de l’énergie à revendre, de l’ampleur, de la finesse, une dynamique qui évite la lourdeur, des enchaînements divins, une cohésion irréprochable au service de compositions fortes. « The mirror’s eyes » débute de façon athlétique, mais vous y trouvez vite des variations de tons et d’intensité qui imposent leurs emprises, ainsi que la force de l’alternance vocale entre les deux chanteurs, fer de lance et véritable marque de fabrique du groupe, responsable en grande partie du fait que notre attention et notre plaisir à l’écoute de cet album ne baissent jamais la garde. Ajoutez-y le chant grunt de Swäno, qui intervient dès le 1er titre et ensuite régulièrement tout au long du disque, plus celui de Graves, et vous comprendrez que Lukassen et son Star One ont probablement hérité d’un réel sujet de préoccupation concurrentielle. D’autant que les mélodies s’incrustent durablement dans vos cellules mémorielles comme l’atteste par exemple « Sweet enemy », structuré en une progression irrésistible qui dure 9 minutes.
Supportant ces prouesses vocales sans aucun effort apparent, les autres musiciens de Appearance Of Nothing s’en donnent à cœur joie et multiplient les moments de bonheur instrumental à tous vents, procurant un vrai régal dans les rythmes comme dans les soli de claviers ou de guitares, le tout emmené avec brio, talent et virtuosité. « 2nd God » contient un très bon solo de claviers d’obédience seventies qui s’insère parfaitement dans ce prog métal juteux et goutu, qui se trouve quelque peu bousculé plus loin par une intro intégrant de la techno dans « The call of Eve », et pourtant ça marche avec bonheur, même avec moi qui n’aime pas la techno ni le rap – mais qui respecte ces choix musicaux pour ceux qui les pratiquent.
« …I said silence » conjugue avec maestria les ambiances, écoutez-y ces variations entre le pont calme chanté sur une superbe mélodie et le chant grunt qui y répond, c’est juste un exemple de plus de l’excellence constante qui sévit dans les 7 titres et 48 minutes de totale jouissance musicale offertes dans cet album. Par ailleurs, les paroles elles aussi relèvent d’un très bon niveau d’écriture, abordant plusieurs thèmes tels que les démons intérieurs qui nous hantent ou le mirage matérialiste qui caractérise la société humaine. Le dernier morceau, « The rise and fall of nothing », est un instrumental qui déménage.
Impeccablement produit par Markus Teske (Vanden Plas, Amaseffer, Symphony X, Saga, …), « All gods are gone » se révèle être un album qui tranche dans la production du métal mélodique et progressif actuel par sa dimension supérieure, se situant au top des bands du genre. Appearance Of Nothing livre une qualité sans faille dans son prog métal à la fois énergique et subtil, parsemé de touches symphoniques et trash, et rend évidente une architecture pourtant complexe, parce que les compositions sont accrocheuses et l’ensemble alchimique. Bien sûr, l’originalité ne brille pas par sa présence dans ce disque, mais le savoir-faire et l’inspiration sont tels que le plaisir est de tous les instants, ce qui justifie la meilleure note.
Les amateurs de Symphony X, de Dream Theater, de Vanden Plas se rueront avec délectation sur cet album, les amateurs de prog plus traditionnel ne pourront y échapper s’ils tendent une oreille vers cet entrelacs subtil de puissance et de finesse, les autres hardeux et métalleux devraient y trouver leur compte de rock viril et de réelle énergie savamment domptée.
Un top album de 2011 donc, qui permet de patienter avec délice en attendant le nouveau Symphony X, attendu vers le milieu de cette année.
Musiciens :
- Omar Cuna – chant et basse
- Pat Gerber – chant et guitare
- Peter Berger – guitares
- Marc Petralito – claviers
- Yves Lüethi – batterie
- Invité : Dan Swäno (Nightingale) – chant grunt
- Invité : Devon Graves (Psychotic Waltz) – chant
Liste des morceaux :
- The Mirror`s Eyes 06:03
- 2nd God 06:17
- Sweet Enemy 09:00
- Destination 09:09
- The Call of Eve 05:17
- …I Said Silence 07:31
- The Rise and Fall of Nothing 04:55
Pays: CH
Escape Music ESM 220
Sortie: 2011/01/21