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BOWN, Alan – Listen

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Absent depuis bientôt quatre décennies, le trompettiste Alan Bown avait progressivement rejoint la longue liste des artistes oubliés. Il faut dire qu’en dépit d’une bonne réputation dans le milieu de l’époque, il ne connut pas de grands succès et quitta la scène dès 1972. À partir de 1974, il travailla pour la compagnie C.B.S. Records.

C’est en 1965 qu’il avait fondé son premier groupe, The Alan Bown Set, devenu The Alan Bown ! deux ans plus tard. En 1970, après avoir signé avec Island Records, il enregistrait sous son nom.

Deux de ses compagnons de route deviendront célèbres par la suite : le chanteur Robert Palmer, associé de 1969 à 1970, et le saxophoniste John Anthony Helliwell, futur Supertramp, associé de 1966 à 1972.

Au cours de ces sept années de carrière, il enregistra quelques simples et quatre albums : « Outward Bown » en 1967, « The Alan Bown » en 1968, « Listen » en 1970 et « Stretching Out » en 1971. C’est du troisième qu’il est ici question.

Suite au départ inopiné du chanteur Robert Palmer, sa sortie fut retardée pour permettre au nouveau chanteur Gordon Neville, recruté dans l’urgence, de s’intégrer et de réenregistrer les voix.

Produit par Mel Collins (King Crimson), « Listen » participe pleinement au mouvement général caractéristique de l’époque où la recherche de nouvelles voies, l’ambition et la prise de risque sont constantes. Il en résulte que même si l’ensemble n’en souffre pas, la direction artistique paraît parfois indécise. Jazz, Rock, Blues, Rhythm & Blues, Progressif débutant se côtoient ou se mêlent au gré des opportunités.

Alan Bown et John Helliwell représentent la facette la plus Jazz. Logiquement, ils travaillent souvent en duo, mais pas uniquement dans un rôle d’accompagnement. Leur personnalité propre apparaît plus nettement lorsqu’ils interviennent en solo. Le premier lorgne clairement vers Miles Davis qui révolutionne ces années-là l’univers du Jazz avec « In a Silent Way » et « Bitches Brew ». Il s’inspire autant du jeu et du son du Maître, effets compris, que de l’atmosphère éthérée de ses deux chefs-d’œuvre. « Forever » en est un exemple stupéfiant. Quant au second, il trouve sa source d’inspiration dans le Free Jazz, comme le fait un certain Dick Heckstall-Smith (Graham Bond Organization, Colosseum).

Jeff Bannister joue un rôle de pivot. Plus que tout autre, il prépare, oriente et organise l’ensemble, assurant les ponts. Moins marqué par le Jazz si ce n’est parfois au niveau du rythme, il sait tout exprimer, particulièrement le génie du Blues et du Rhythm & Blues, à la manière d’un John « Rabbit » Bundrick (Paul Kossoff, Free). Tony Catchpole s’inscrit dans la grande communauté des guitaristes issus du Blues Boom anglais, capable d’accompagner finement, mais aussi d’arracher et de s’épancher en solo. La toute bonne surprise vient du nouveau chanteur. Son style et sa voix le situent quelque part entre Frankie Miller, Paul Rodgers (Free, à l’époque), Peter Cetera (Chicago) et Sting. À l’entendre, il est stupéfiant que l’homme ne soit pas sorti de l’ombre par la suite. L’ensemble basse et percussions est excellent, dans la lignée de Graham Bond et Colosseum. Il allie précision, vigueur et audace.

Quelques exemples méritent particulièrement d’être cités parmi ces neuf titres d’un excellent niveau.

Le sommet de l’album se nomme « Make Up Your Mind ». Bien écrit, sophistiqué, il met en scène tous les attraits spécifiques du septet. Il débute par une longue intervention au saxophone, toute empreinte de Free-Jazz. Ensuite, le tempo s’accélère et l’orgue prend la main en solo pour un temps avant que la guitare et le chant ne s’imposent en fin de parcours. Trois univers ont été pénétrés : ils rappellent tour à tour Colosseum, Focus et Free.

Autre très belle pièce, écrite dans le même esprit mais dans un autre cadre, « Crash Landing » montre à nouveau la capacité du groupe à construire et articuler sa musique. Relativement peu présent, le chant est sublime. Tout aussi peu présents, les souffleurs n’en marquent pas moins une empreinte indélébile. À mi-parcours, la guitare s’installe définitivement à l’avant-plan, évoluant jusqu’au bout en solo, dans une atmosphère légère, parfois intime, avec pour soutien essentiel une basse exceptionnelle.

Dans un autre genre, le Blues-Rock, « Loosen Up » plaît beaucoup. Le chant est digne d’un Frankie Miller et la guitare particulièrement acérée. Orgue et cuivres participent à la fête.

Co-écrit par Robert Palmer, « Get My Self Straight » permet à son successeur, Gordon Neville, d’étaler tout ses talents. Tous s’y sont mis pour que ce soit le cas.

En conclusion, la formation d’Alan Bown réussit un parcours presque parfait. Aucun titre n’est à rejeter. Si les similitudes avec d’autres acteurs de l’époque sont nombreuses, elles ne sont pas surprenantes tant le foisonnement d’idées neuves et l’imbrication de ces aventuriers d’un nouveau monde sont considérables. Les amateurs de Graham Bond, Colosseum, Free, Frankie Miller, Keith Hartley, Argent, Manfred Mann… devraient y trouver leur compte.

Les titres (40’48) :

  1. Wanted Man (Bown/Bannister/Catchpole)(3’31)
  2. Crash Landing (Bown/Bannister/Catchpole)(5’55)
  3. Loosen Up (The Alan Bown)(3’25)
  4. Pyramid (Bannister)(4’29)
  5. Forever (The Alan Bown)(2’55)
  6. Curfew (The Alan Bown)(4’01)
  7. Make Us All Believe (Bown/Bannister/Catchpole)(4’34)
  8. Make Up Your Mind (The Alan Bown)(7’58)
  9. Get Myself Straight (Bown/Bannister/Palmer)(4’00)

Le groupe :

  • Alan Bown : Trompette
  • Jeff Bannister : Piano & Orgue
  • Tony Catchpole : Guitares
  • Gordon Neville : Chant
  • John Anthony Helliwell : Saxophone Tenor & Alto
  • Stan Haldane : Basse & Chant
  • Vic Sweeney : Batterie & Percussions

Pays: GB
Esoteric Recordings ELEC 2193
Sortie: 2010/04/26 (réédition, original 1970/11/20)

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