OUT OF FOCUS – Four letter Monday afternoon
C’est avec le troisième album « Four letter Monday afternoon » qu’Out Of Focus réalise son œuvre la plus accomplie. Ici, les membres originaux du groupe, Remigius Drechsler (guitare), Hennes Hering (claviers), Moran Neumüller (saxophone, flûte et chant), Stefan Wisheu (basse) et Klaus Spöri (batterie) se donnent les moyens de leurs ambitions. Par rapport aux premiers albums « Wake up« et « Out Of Focus« , la proportion de jazz dans la musique du groupe a gagné en importance, notamment avec l’apport d’une section de cuivres composée d’Ingo Schmid-Neuhaus (saxophones), Jimmy Polivika (trompette) et d’autres musiciens invités comme Michael Thatcher (orgue), Grand Roman Langhans (congas) ou Peter Dechant (guitare acoustique, harmonies vocales). L’album est enregistré fin juillet 1972 aux studios Bavaria de Munich, sous la production d’Out Of Focus et l’ingénierie de Wolfgang Loper. Out Of Focus a été très ambitieux sur ce disque, en composant de longs titres étalés sur un double album. Le second disque comprend à lui seul la longue suite « Huchen 55 » qui occupe pas moins de 50 minutes de notre temps.
Le morceau d’ouverture, « LSB », met particulièrement l’accent sur les cuivres et propose de longues élaborations qui font penser aux groupes anglais qui brillaient à l’époque dans le jazz-rock fusion, comme Nucleus, Bob Downes, Ben ou Soft Machine. Moran Neumüller tient toujours le chant mais profite des longs passages instrumentaux pour imposer un saxophone soprano et des couches superposées de flûtes. Hennes Hering et Remigius Drechsler ont un rôle plus effacé sur cet album, avec des interventions à l’orgue et à la guitare plus limitées qu’à l’accoutumée. Seule la ballade folk « Where have you been » fait encore penser aux albums précédents d’Out Of Focus. Le reste des titres est davantage jazz progressif que heavy progressif mais demeure digne du plus grand intérêt. Il faut juste prendre le temps de se poser dans un fauteuil et d’écouter à tête reposée des titres oscillant entre 9 et 17 minutes pour les plus longs, et bien sûr, la grande aventure sonore que constitue « Huchen 55 », séparée en trois épisodes intitulés A, B et C.
Ici, les onze musiciens jouant sur l’album, titulaires et invités, se livrent à des performances croisées qui finissent par embrouiller le cours des choses. Tout le monde joue en même temps, c’est très impressionnant mais donne un petit goût d’exagération dans la production. La complexité et la longueur du titre feraient passer Soft Machine pour un groupe de punk hardcore, c’est vous dire. Apprécier ce morceau est une question d’état d’esprit et aussi de choix de la substance qui va permettre à l’esprit de l’assimiler dans les meilleures conditions. C’est la deuxième partie du titre qui est la plus intéressante, avec un fabuleux échange entre la guitare et les cuivres qui s’inscrit dans la durée.
« Four letter Monday afternoon » est bien trop complexe pour trouver un public précis qui assurerait un succès commercial à Out Of Focus. Le groupe n’enregistrera plus et se sépare vers 1974. Les membres du groupe s’égaillent dans la nature et on n’entend plus parler d’eux, sauf pour Remigius Drechsler qui remonte momentanément une nouvelle mouture d’Out Of Focus en 1978 avec son épouse et d’autres musiciens. On le retrouve plus tard chez Embryo où il participe à l’album « Embryo’s Reise » en 1979, puis dans les années 1990 à la tête de son nouveau groupe Kontrast.
C’est toujours Remigius Drechsler qui refait parler de lui au début des années 2000 en exhumant de ses cartons des enregistrements d’Out Of Focus effectués à la toute fin de la vie du groupe au printemps 1974. En effet, au cours d’un séjour à la campagne avec femmes et enfants à une cinquantaine de kilomètres de Munich, Out Of Focus prend du bon temps et couche sur bande une poignée de nouveaux morceaux. À l’époque, le groupe évolue en sextet autour de Remigius Drechsler (guitare), Moran Neumüller (saxophone, flûte et chant), Stefan Wisheu (basse), Klaus Spöri (batterie) et les deux nouveaux Wolfgang Göhringer (guitare, harmonies vocales) et Ingo Schmid-Neuhaus (saxophones). Cinq de ces morceaux seront ainsi réhabilités sur le CD « Not too late » sorti en 2002 sous les auspices du label Ultima Thulé. On y trouve une orientation similaire à celle du troisième album, avec de longs morceaux dominés par le saxophone et la flûte. C’est le dernier témoignage d’Out Of Focus, un groupe passionnant à plus d’un titre, surtout du fait des exceptionnelles qualités musicales de ses musiciens.
Pays: DE
Esoteric Recordings EREACD 21011
Sortie: 2010/11/29 (réédition, original 1972)