ZAPPA, Frank – The torture never stops (DVD)
Ce mois-ci, Frank Zappa aurait eu 70 ans. Mais il a préféré nous quitter en 1993, à l’âge de 53 ans. Enfin, lui n’y est pour rien, c’est le cancer qui a tout organisé. On se demande bien quelles surprises multiples le bon Frank aurait pu nous concocter s’il avait vécu jusqu’à maintenant. Car avec 57 albums officiels réalisés de son vivant, en 27 ans de carrière discographique, je vous laisse imaginer la masse d’albums que Zappa aurait encore pu réaliser.
Frank Zappa est un inclassable du rock. Mais il est certain qu’il faut le placer dans la catégorie des génies. Pas forcément des génies rock mais plutôt du côté des Stravinsky, Boulez, Satie ou Mozart. Frank Zappa était effectivement un passionné de Stravinsky, et il adorait plus que tout Edgar Varèse, un des pères de la musique concrète. Néanmoins, Frank Zappa a eu l’occasion de toucher à tous les styles musicaux lors de sa carrière, débutant par le psychédélisme abscons avec ses fameux Mothers Of Invention entre 1966 et 1973, puis migrant vers le jazz-rock, le heavy rock imprévisible, le doo-wop nostalgique, la musique baroque, l’avant-garde (son association avec Pierre Boulez) et aussi de temps en temps la production (on lui doit notamment un album des hard rockers de Grand Funk Railroad) et aussi le management (il gérera son label Discreet qui lancera entre autres Alice Cooper). Touche-à-tout insatiable, Frank Zappa a laissé une image de Professeur Nimbus perdu dans les méandres de la musique, toujours avec une idée d’avance, capable de sortir quatre albums en une seule année, tour à tour farfelu ou extrêmement sérieux quand il s’est agi de défendre le droit d’expression des musiciens devant la censure américaine qui avait serré la vis dans les années 80.
Frank Zappa ne s’est pas tu définitivement en 1993 car les caves de sa maison continuent de regorger de décamètres de rayonnages où sont entreposées des centaines de bandes enregistrées qui n’ont jamais été exploitées. Frank Zappa avait l’habitude de tout enregistrer et aujourd’hui encore les fans de Frank Zappa ne se lassent pas de découvrir de nouvelles pépites. Il faut dire que Frank Zappa a des héritiers sûrs en la personne de ses fils Dweezil et Ahmet Zappa qui poursuivent eux aussi une carrière musicale et entretiennent la mémoire de leur père en veillant à la commercialisation de son œuvre posthume.
Un exemple parmi d’autres, ce DVD « The torture never stops » qui retrace un concert livré au Palladium de New York le jour d’Halloween 1981. Les concerts d’Halloween étaient devenus une habitude chez Zappa, particulièrement au Palladium de New York où il s’est produit en 1977, 1978, 1980, 1981 et 1982. En 1981, Frank Zappa a eu une année particulièrement riche, avec la sortie en mai du triple album « Shut up ‘n’ play yer guitar », suivi une semaine après de l‘album live « Tinseltown rebellion » (où on découvrait la toute dernière trouvaille de Frank Zappa, un jeune guitariste du nom de Steve Vai…) et en septembre du double album « You are what you is ». Zappa avait enchaîné avec une grosse tournée américaine d’automne. On retrouve donc l’ambiance de cette tournée sur le concert d’Halloween, qui était bien connu des fans qui possèdent tous le concert audio en version pirate mais qui se dévoile aujourd’hui en version vidéo.
Sur scène, Frank Zappa en combinaison rose apparaît avec son équipe, Ray White (chant et guitare), Tommy Mars (claviers et chant), Scott Thunes (basse et chant), Chad Wackerman (batterie), Ed Mann (percussions et chant), Bobby Martin (claviers, saxophone et chant) et Steve Vai (guitare et chant). Tout ce petit monde déploie un impressionnant arsenal de batterie, claviers, micros, light-show destiné à donner au public la juste récompense du prix du billet. Frank Zappa et son groupe alignent vingt-quatre titres fabuleux, mais qui sont un cauchemar pour qui veut analyser la set list. En gros, une majorité de chansons sont extraites de « You are what you is » (1981), « Tinseltown rebellion » (1981), « Sheik Yerbouti » (1979) ou « Zoot allures » (1976). Il ressort en tout cas que la set list du DVD combine les deux shows qui ont été joués ce soir-là. On retrouve également beaucoup de ces morceaux sur les compilations « You can’t do that on stage anymore » (notamment les volumes 3, 1 et 6) que Frank Zappa avait sorties au cours des années 80. Au niveau sonore, on connaît donc la plupart de ces morceaux, mais la magie est de les découvrir en vidéo et de retrouver à nouveau le génie scénique et musical de Frank Zappa.
Le zappamaniaque se précipitera les yeux fermés sur l’objet (en se disant qu’avec tout ce qui a été mis de côté de ces deux shows du Palladium, il y a de quoi faire un deuxième DVD) et on ne saurait trop encourager tous ceux qui veulent découvrir la musique de Frank Zappa de commencer avec ce DVD, qui est une bonne introduction à la musique de Zappa entre la fin des années 70 et le début des années 80.
Pays: US
Eagle vision EREDV826
Sortie: 2010/11/22