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T – Anti-matter poetry

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T n’est pas un rappeur mais bien un musicien multi instrumentiste allemand, chanteur, compositeur et producteur, bref un autarcique musical, qui a pour nom Thomas Thielen, ex-chanteur et guitariste du groupe allemand Scythe.

« Anti-matter poetry » est déjà son 3e album. Il est basé sur un concept selon lequel l’art est du vandalisme, et donc la littérature et la musique aussi, parce que nous présentant toujours des mondes hors de portée, des royaumes et des épopées, de l’héroïsme, des valeurs suprêmes que peu de nous pratiquent et transcendent dans la vie de tous les jours. L’art est donc destructeur pour la vie quotidienne de la classe moyenne de tout un chacun. Ce qui accentue des sentiments que l’on ne désire pas ou dont on n’a pas besoin : le danger, l’incertitude, etc. Ainsi pour notre univers privé, la poésie est en fait de la destruction condensée, de l’anti-matière. Cet album traite des clichés relatifs à cette problématique : quand nous mourrons un peu, c’est pour mieux renaître ensuite. « Anti-matter poetry » réagit contre ces propos. Il s’agit donc d’une idée de base intéressante à débattre, même si elle paraît ici encore nébuleuse et obscure. Bono, qui a déclaré que « chaque poète est un voleur, chaque artiste un cannibale », doit sans doute partager cette vision de l’art.

Cela mis à part, T propose ici 6 titres couvrant 65 minutes, chaque morceau s’étalant entre 8 et 15 minutes. « The Wasted lands » superpose les ambiances atmosphériques à celles plus rock et plante le décor, un mix entre Gazpacho et Porcupine Tree. Bien enregistré, « Scavengers » assure dans sa 1re partie un très bon groove et solo de sax, puis accalmie, et ça repart avec solo de guitare et rythme échevelé pour terminer avec douceur. Il y a de la recherche dans l’architecture du morceau (et ceci est valable pour tout l’album). Le chant de T fait penser à David Bowie dans sa période trilogique « Lowe », « Heroes » et « Lodger ». Des rythmes pleins de claviers lourds et symphoniques, mais aussi quelque chose dans la trame rythmique de fin qui tient du « Tubular Bells » de Mike Oldfield. Cet album constitue un vrai régal pour les amateurs de prog qui raffolent de breaks et structures changeantes. Ainsi « Phantom pain scared » alterne une ambiance sombre avec un très bon thème symphonique mené par la guitare, pour développer ensuite une partie instrumentale très réussie.

« I saved the world » contient un piano électrique façon « Riders on the storm » des Doors, des chœurs sur lits de claviers, une rythmique en retrait mais de très bon aloi. T chante toujours aussi bien, sa voix affiche une urgence révoltée voilée qui soutient bien son propos. Par contre, les parties de batterie sont programmées, et même si le savoir-faire en la matière est une des autres qualités de T, cela prive l’ensemble d’un dynamisme que l’on obtient seulement avec un véritable batteur, ce qu’a très bien compris Arjen Lucassen, lequel a par ailleurs réenregistré en 2004 avec l’excellent batteur hollandais Ed Warby son « Actual fantasy » paru initialement en 1996.

« The rear view mirror suite » et « Anti-matter poetry » continuent sur la même lancée, sans redondance, mais avec des progressions semblables.

En résumé, voici un album de néo-prog bien exécuté, inspiré, moderne, qu’on ne verra probablement jamais live, apanage hélas souvent caractéristique des artistes multi instrumentistes. C’est dommage, à la manière d’un livre qui ne serait édité qu’à compte d’auteur ou d’une pièce de théâtre écrite mais jamais jouée devant un public. C’est d’autant plus regrettable que, contrairement à l’écriture romanesque ou au cinéma par exemple, la musique et le théâtre sont des formes d’expression artistique privilégiées, puisque remises en jeu et en vie à chaque nouvelle représentation publique en prenant toutes leurs dimensions respectives dans cette rencontre avec le public. Et le rock en est certainement un exemple privilégié sinon paradigmatique. En ce sens, cet album de T revêt une connotation égoïste et agit comme de l’anti-matière aux plaisirs vibratoires d’un concert. T se mordrait-il la queue ? Ou justement évite-t-il de tomber dans le piège qu’il dénonce ?

Musicien :

  • T (Thomas Thielen) – chant et tous instruments

Liste des morceaux :

  1. The waysted lands 6:19
  2. Scavengers and hairdressers 4:31
  3. Phantom Pain Scars 4:56
  4. I saved the world 5:49
  5. The rear view mirror suite 6:35
  6. Anti-matter poetry 4:52

Pays: DE
Progrock Records PRR 810
Sortie: 2010/09/03

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