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DEMON FUZZ – Afreaka!

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En 1970, il était rare qu’une formation composée uniquement d’artistes britanniques d’origine africaine trouve l’opportunité de signer pour un label de ce côté de l’Atlantique. Demon Fuzz fait partie de celles-là. Elle enregistre coup sur coup un album et un maxi-single, et effectue une tournée dans la foulée. Mal conçue à la base, celle-ci n’accroche pas le public. Malheureusement, le groupe n’insiste pas et jette le gant, après plus ou moins une année et demi d’existence.

Il n’est donc pas surprenant que les informations au sujet de Demon Fuzz et de ses membres soient à la fois laconiques et lacunaires. Seul son fondateur, Paddy Corea, très actif entre 1968 et 1972 dans le circuit des clubs londoniens, particulièrement au légendaire Marquee Club, semble avoir bénéficié d’une certaine notoriété. On le retrouva même dans la bande qui accompagna Wilson Pickett lors de sa première tournée britannique.

Demon Fuzz produit un subtil mélange de Jazz, de Soul, de Rock et de rythmes africains. Bien intégré à la scène britannique de l’époque, il lui apporte également d’autres éléments plus américains, afro-américains et purement africains. Il pourrait être classé quelque part entre le Graham Bond Organization, les Animals, les frères Neville (Meters, …), Chicago et Osibisa.

Passionnante de bout en bout, cette réédition compile l’album « Afreka » et le maxi-single « I Put a Spell on You » ; bref, la totalité des traces discographiques laissées par le groupe. Ces atouts sont nombreux. Les compositions sont toutes de bonne facture, bien construites et judicieusement arrangées. Elles sont mises en valeur par de grands interprètes, au sein d’un ensemble équilibré, sans ego. Aucune faute de goût n’entache leur travail.

Pour débuter l’album, « Past, Present and Future » n’était probablement pas le meilleur choix. Audacieux, cet instrumental est pourtant une petite merveille. Il démarre de façon étrange. La basse est lourde et basique, la guitare plutôt raide, les percussions bizarrement agencées. Avec l’apparition des cuivres et de l’orgue, la partie s’ouvre, s’aère et se fluidifie. L’orgue, la guitare, le trombone se permettent tour à tour quelques interventions en solo, sans altérer la bonne marche de l’ensemble. La batterie est à suivre avec attention. Ceux qui ont apprécié « Outta Here » (voir chronique) de Lettuce apprécieront cet air de famille et le retrouveront à plusieurs occasions par la suite. (16/20)

Fichtrement bien fichu, « Disillusioned Man » était calibré pour faire un triomphe. Comment avoir raté cela ! Cette plage voit arriver un chanteur de grande classe, Smokey Adams. Sa voix est parfaite, chaude, marquée par la Soul. Le solo de saxophone est un vrai délice. (18/20)

Plus long et plus complexe dans sa construction, mais tout aussi accrocheur, « Another Country » poursuit dans la même voie. L’ensemble reste marqué par le Jazz et la Soul. (18/20)

« Hymn to Mother Earth » s’écoute souvent les yeux fermés, tant les interventions du chanteur sont prenantes. Elles sont mises en valeur par un accompagnement musical idéal, d’une surprenante beauté et d’une justesse égale à la grandeur du thème abordé. Le Santana Band à l’époque Tom Coster amènera plus tard les mêmes sensations. (18/20)

Nouvel instrumental, « Mercy (Variation No. One) » mêle surtout Jazz anglais et rythmiques africaines. Le thème initial apparaîtra moins porteur aux fans de Smokey Adams et du style qu’il incarne, mais permet quelques solos intéressants, typiquement Jazz, au trombone et au saxophone. L’orgue travaille surtout en couverture. Les percussions sont nombreuses et omniprésentes. (15/20)

Le classique de Screaming Jay Hawkins, « I Put on Spell on You », fait également partie des réussites. Il bénéficie ici d’une coloration Jazz supplémentaire, surtout fournie par les cuivres. La guitare, le chant et la rythmique restent plutôt dans la ligne originelle. L’orgue assure toujours une couverture ample. (17/20)

« Message to Mankind » pourrait incorporer le répertoire du Chicago Transit Authority. La section de cuivres, les percussions, la guitare, et même le chant de Smokey Adams proviennent du même terreau. (17/20)

L’instrumental « Fuzz Oriental Blues » termine cette réédition en beauté. L’orgue joue en force, comme dans Santana à l’époque, avec Greg Rolie. La guitare plutôt Blues et le saxophone plutôt Jazz s’épanchent en solo. (16/20)

En conclusion, un album à ne pas rater ! Honneur soit rendu aux labels qui sortent des oubliettes des enregistrements de ce calibre !

Les titres (55’55) :

  1. « Past, Present and Future » (Rhoden/Raphael) (9’55)
  2. « Disillusioned Man » (Rhoden/Raphael) (4’59)
  3. « Another Country » (Rhoden/Raphael) (8’32)
  4. « Hymn to Mother Earth » (Rhoden/Raphael) (8’12)
  5. « Mercy (Variation No I) » (Mitchel/Corea) (9’40)
  6. « I Put a Spell on You » (Hawkins) (3’55) (*)
  7. « Message to Mankind » (Rhoden/Raphael) (3’54) (*)
  8. « Fuzz Oriental Blues » (Rhoden/Raphael) (6’45) (*)

(*) Maxi single en bonus

Le groupe :

  • Paddy Corea : Flûte, Congas, Saxophones Ténor & Soprano, Arrangements
  • Waldron Raphael Joseph : Guitares
  • Ray Rhoden : Orgue & Piano
  • Clarence « Brooms » Crosdale : Trombone
  • Selwyn « Smokey » Adams : Chant
  • « Sleepy Jack » Joseph : Basse
  • Steven John : Batterie
    +

  • Ayinde Folarin : Congas

Pays: GB
Esoteric Recordings ECLEC2111
Sortie: 2009/03/30 (réédition, original 1970)

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