WEB (The) – Theraphosa Blondi
Les rééditions d’Esoteric Recordings engendrent toujours une certaine curiosité, particulièrement lorsqu’elles s’intéressent à des artistes ou des groupes tombés dans l’oubli. J’avoue d’ailleurs que The Web n’avait laissé aucune trace dans ma mémoire.
Constitué en 1967 autour d’un groupe d’amis, à Bournemouth dans le sud-ouest de l’Angleterre, le groupe enregistre un premier album en 1968, « Fully Interlocking ». Il tourne beaucoup en Grande-Bretagne et sur le continent, où il rencontre la majeure partie de son succès. Les Pays-Bas et la Belgique sont les plus réceptifs. Le livret accompagnateur de ce CD les mentionne d’ailleurs à la septième position dans le « België’s Top Twintig », juste devant les Hollies, avec un titre s’intitulant « Baby Won’t You Leave Me Alone ».
Pour le groupe, l’année 1970 est féconde en événements. D’abord, il y a la publication de leur second album produit par Mike Vernon, « Theraphosa Blondi », le nom d’une grosse mygale. A la suite de celui-ci, le groupe subit d’importantes modifications dans son personnel. Le départ du chanteur John L. Watson et l’arrivée du claviériste Dave Lawson bouleversent leur style originel et les dirigent dans une direction plus marquée par le Rock Progressif. Ils deviennent alors simplement Web et publient l’album « I Spider », considéré comme leur meilleur. L’année suivante, Web se saborde pour renaître brièvement sous le nom de Samurai. Seul parmi tous ses membres, Dave Lawson poursuivra une carrière notable par la suite (Greenslade, Roy Harper, John Martyn, Kate Bush, …).
A l’écoute, « Theraphosa Blondi » semble déjà dépassé au moment de sa publication. Bien que sorti en 1970, cet album sonne comme un pur produit du milieu des années 1960. L’ambiance générale, le son, les arrangements et le chant sont caractéristiques de cette époque. En tout cas, sans jamais crier au génie, cet ensemble « Pop », clairement de « Variété » dans plusieurs de ses titres, reste agréable de bout en bout et fortement axé sur les aspects rythmiques. En fait, il se concentre sur trois pôles principaux :
D’abord, il y a les percussions de toutes sortes. Nombreuses et variées, elles sont utilisées avec originalité et imagination par la plupart des instrumentistes présents qui délaissent même volontiers leur instrument principal pour s’y consacrer. La basse est solide, bien marquée et à l’avant-plan. A l’opposé, les guitares sont très discrètes et se contentent en général d’enrichir le rythme.
Ensuite, il y a le chant. Tenu par John L. Watson, il reste plutôt ancré dans la « Variété » anglaise des années 1960. Sa voix est tout à la fois forte et professorale, posée et élégante, à l’aise dans les trémolos. Son rôle est important, tout comme son influence est prépondérante sur le ton général de l’ouvrage. Sa présence ne se révèle jamais envahissante.
Enfin, il y a les nombreux instruments à vent maniés avec bonheur par l’excellent Tom Harris, un homme-orchestre à lui tout seul. Il accomplit un travail remarquable, en tant que soliste particulièrement, qui le situe toujours aux avant-postes.
Grâce au fait qu’elle établit un point de comparaison avec un standard connu de tous et incontournable, la reprise du fantastique « Sunshine of Your Love », le classique de Cream, est intéressante. Elle seule suffit à comprendre toutes les caractéristiques essentielles du groupe. Indiscutablement réussie, cette version paraît antérieure à l’originale. Son thème et sa ligne de base, créés par Jack Bruce sur un texte de Pete Brown, resteront pour longtemps encore d’une évidence géniale et stupéfiante. Ce titre conserve ici les fondements de l’original, mais adapte tout le reste à la personnalité du groupe : la basse est assagie, mais relativement fidèle ; le chant devient plus calme et moins poussé aux extrêmes ; les percussions sont encore enrichies et le vibraphone participe même au travail en solo ; le saxophone et la flûte se chargent de la majorité des solos, en ne laissant que peu de place aux guitares. Au décompte final, The Web produit ici une des versions de ce morceau les plus originales et les plus réussies qu’il m’ait été permis d’entendre depuis sa création. Pour une fois, il n’y a pas de guitariste au centre du spectacle. A ne pas rater !
Aucun des autres titres composés ou repris ne rivalise avec celui-là ou peut être qualifié d’indispensable. Pourtant, tous méritent l’attention.
En conclusion, les amoureux de cette époque éprouveront un plaisir certain à l’écoute de cette réédition toujours plaisante. Les amateurs de « Pop » et de « Variété » anglaise seront souvent ravis, parfois ceux de Ginger Baker’s Airforce, de Colosseum et consorts, du Jethro Tull des débuts, …
Les titres (43’23) :
- « Like the Man Said » (Wright) (7’06)
- « Sunshine of Your Love » (Bruce, Brown, Clapton) (6’47)
- « ‘Til I Come Home Again Once More » (O’Sullivan) (3’01)
- « Bewala » (The Web) (2’31)
- « 1,000 Miles Away » (Eaton) (4’29)
- « Blues for Two T’s » (Harris) (2’50)
- « Kilimanjaro » (African Lullaby) (3’49)
- « Tobacco Road / America ! » (Loudermilk / Bernstein, Sondheim) (5’39)
- « Afrodisiac » (*) (The Web) (3’20)
- « New Specs » (*) (Harris) (3’47)
(*) bonus enregistrés à la B.B.C.
The Web :
- John L. Watson : Chant
- Tom Harris : Saxophones, Flûtes, Clarinette & Marimba
- Tony Edwards : Guitares, Percussions & Chœurs
- John Eaton : Guitares, Percussions & Chœurs
- Dick Lee-Smith : Basse, Percussions & Chœurs
- Ken Beveridge : Batterie, Percussions & Chœurs
- Lennie Wright : Vibraphone, Xylophone, Marimba, Batterie & Percussions
+ - Gordon Beck : Piano (3)
- M. Saltpeter : Violon (3)
- B. Pecker : Violon (3)
- L. Stevens : Violon (3)
- P. Coates, J. Ronaine, L. Harris, K. Isaccs, M. Witkowski, L. Bloch, L. Maddox : Cordes (3)
Pays: GB
Esoteric Recordings ELEC2055
Sortie: 2008/05/05 (réédition, original 1970)
