MATTERS, Syd – Ghost Days
Le parisien Jonathan Morali a pris le pseudonyme de Syd Matters pour mieux convaincre. Signe particulier : il compose et chante en anglais. Il signe les arrangements et produit l’album avec Yann Armand. Il travaille seul dans son appartement, un peu en dehors du monde des vivants et des contingences matérielles. C’est ce qui fait son originalité. Sur le plan musical, il prend sa source chez Nick Drake pour la façon de travailler et chez Thom Yorke pour le style.
Il a gagné le concours CQFD des Inrockuptibles en 2002 à l’âge de 22 ans et a déjà réalisé deux albums : « A Whisper And A Sigh » en 2003 et « Someday We Will Foresee Obstacles » en 2005. En automne 2006, il a réalisé la bande originale du film « La Question Humaine », qui lui a beaucoup apporté sur le plan personnel, notamment dans le domaine de la concentration. Ici, sur « Ghost Days », il prend vraiment son envol et atteint une autre dimension.
Son style musical est dépouillé et basé avant tout sur de très belles mélodies. Sa musique est à la fois douce et aérienne et semble faite pour favoriser l’évasion de la pensée vers des contrées inconnues et des paysages oniriques : il suffit de laisser gambader son imagination pour voir défiler les images. Son timbre de voix est proche de celui de Thom Yorke, déjà cité. Sur scène, il est accompagné par quatre musiciens dont l’implication est totale.
Dès le premier titre, « Everything Else », la ressemblance avec Yorke s’impose. On n’est pas très loin de l’album « Eraser », l’excellent opus du leader de Radiohead. La guitare acoustique est à la fête et contribue au climat intimiste du morceau. « I Was Asleep » confirme cette impression d’intimité, comme si l’auteur voulait partager ses rêves et ses fantasmes sur le ton de la confidence. « I’ll Jackson » est plus rythmé mais il reste empreint d’un climat plein de douceur. Ici aussi, la guitare acoustique est omniprésente pour ce petit clin d’oeil à Pink Floyd.
« It’s A Nickname » est un très beau morceau acoustique mélancolique qui rappelle aussi Thom Yorke dans sa conception. « Ghost Days », ce sont les jours où on est plongé dans la solitude du travail de création et qu’il ne se passe rien. Au petit matin, on sort ragaillardi et on se sent flotter, comme un fantôme, nous dit Jonathan – Syd. « My Lover’s On The Pier » est un retour rythmé parmi les gens normaux. Il faut bien vivre sa vie, même si elle se déroule sans fait marquant.
« Cloudflakes » est basé sur une mélodie enfantine. Quand on a une vie normale, on peut quand même s’inventer des histoires, comme le font les enfants qui imaginent des tas d’aventures dans un endroit clos. « After All These Years » évoque la relation avec la compagne. Même quand elle dure et que ça se passe bien, on ne réussit pas à se changer si le contexte reste invariable et on en vient à espérer le changement pour sortir de cette impasse. Le duo vocal est très en phase. « Louise » est une autre ballade acoustique imprégnée de solitude et de rêve éveillé, comme si en rêvant on flottait en apesanteur.
« Big Moon » démarre par la guitare acoustique qui semble hésiter avant d’aller plus loin puis se décide et accompagne la voix qui surgit après une minute. Le dialogue avec le synthé se passe tout en douceur mais la guitare reprend rapidement l’initiative jusqu’à l’apparition du piano. « Anytime now! » est un morceau enlevé avec un dynamisme qui contraste avec le reste de l’album. Son crescendo semble représenter une sorte d’espoir en l’avenir quand soudain, c’est la rupture. C’est maintenant un contexte déstabilisant qui prend place au milieu des instruments.
« Me And My Horses » est aussi un morceau chanté déstabilisant qui entraîne la guitare, la flûte et le piano dans une farandole dont on ne connaît pas la fin. Le reste est beaucoup plus répétitif et calme et semble indiquer un voyage initiatique plein de surprises sur une musique très belle qui incite au voyage virtuel. « Nobody Told Me » est un morceau très lent relevé par des percussions qui interrompent la rêverie. Les passages joués par le synthé sont tout simplement sublimes. L’introduction des autres instruments dont les cuivres donnent au morceau une dimension expérimentale inattendue. Après une courte interruption, un morceau caché surgit du néant pour mieux brouiller les pistes.
Excellent album !
Pays: FR
Because Music 0192
Sortie: 2008/02
