ETRON – Joe Ball
Prolifique, Etron n’est semble-t-il pas un groupe banal. Il est même franchement anti-conformiste. Cela se traduit sur la photo de couverture du livret, qui a déjà été faite par les Stones, dans son nom, qui n’est pas un bon nom de groupe, et dans le nom des membres : Suzy Cumshot, Billy Jr et Malvir Léon, un troisième larron moins présent au niveau des compositions.
Etron, le nom du groupe, donne bien quelques indications sur sa mentalité mais ici, elles se révèlent non pertinentes par rapport à la musique, la seule qui nous intéresse. Et là, tout semble couler de source. Cette musique post punk instrumentale est minimaliste mais bonne si on la compare à des groupes beaucoup plus connus.
Le premier CD est plutôt post punk. Le rythme est monocorde et rappelle un peu The Cure première formule et un peu The Fall. « Mr Ball’s On Speed » en est le spécimen parmi les plus marquants. « A Bad Plan For Joe » est un peu pareil, comme tout le premier CD sauf peut-être « Chaos in the Pit », l’avant-dernier titre, toujours post punk mais qui est plus expérimental.
Le deuxième se révèle un peu différent du premier, moins dans le rythme que dans le climat général. On y retrouve en effet le rythme binaire caractéristique du premier mais sur ce deuxième CD, le son est plus étoffé par l’apport d’autres instruments. Les meilleurs titres sont « Billy Boy » et « Stéphane Cigale », deux titres un peu plus travaillés, au contraire de « Bitchybitch », irrésistible et énergique hymne à la jeunesse. Ici, c’est le très long dernier titre qui est expérimental : « Aristote prénatal », un morceau incantatoire … sans paroles qui mérite le détour et n’est vraiment pas mal du tout.
Le troisième CD, le plus long et de loin le meilleur, présente plus de différences encore. Le rythme est beaucoup moins fruste et le propos s’étoffe, notamment avec les très longs premier et dernier titres. Ce sont aussi des instrumentaux mais ils ne sont pas fabriqués dans le même moule. « Aristote’s Dog » a un caractère oriental mais il est bourré de distorsions et de cris de colère et de panique inintelligibles qui l’éloignent des standards du rock traditionnel et font penser à un mauvais trip. « B & S » est beaucoup plus basé sur des changements de rythme qui en font un morceau excellent.
Les huit autres sont aussi parfois des morceaux plus proches de ce que faisait The Cure à ses débuts. « Five Strings in Casablanca » est notamment presque aussi bon que les deux titres précités. Quant à « Discord » et « Teenager », ils sont même chantés en duo. Mais la palme de la bonne mélodie revient à « Little Boy », un morceau atypique.
Le quatrième CD est beaucoup plus court et le climat plus sombre mais le côté expérimental est toujours bien présent et la qualité suit. C’est le cas sur « Motherfucker », notamment. « Ballet », morceau en trois parties, est déroutant également et les gimmicks insolites sont au rendez-vous mais on frise parfois le mauvais goût. « Metaletron » est un morceau beaucoup plus classique qui a de l’énergie à revendre et qui donne du relief. Sans transition, sur un rythme atypique, on passe à « What Have You Done? », tout aussi déroutant et parsemé de bruitages et de cris plaintifs sur un rythme lancinant qui revient comme un leitmotiv un peu avant la fin du morceau.
Ce quadruple album nécessite de surmonter son dégoût au début mais une fois écouté, cette impression s’estompe et ce serait dommage de le bouder. Ce n’est pas un chef-d’œuvre mais il dépasse la production standardisée du moment, même si parfois on a envie de passer à autre chose.
Pays: BE
Dark Dog Records autoproduction
Sortie: 2007/07