TALKDEMONIC – Beat Romantic
Né dans l’Orégon, loin de la pression médiatique de la grosse pomme, Kevin O’Connor a composé la musique et Lisa Molinaro, originaire de Floride mais habitant dans l’Orégon, improvise une musique qui s’accorde à la sienne. Auparavant, sur son premier album, il enregistrait la partie jouée au violon par Lisa Molinaro sur son laptop mais pour celui-ci, il lui a demandé de jouer en même temps que lui.
Kevin O’Connor n’est pas n’importe qui : il joue de la batterie, du banjo, du synthé analogique, du piano, du Fender Rhodes, du Wurlitzer et de la guitare acoustique ; il fait de la programmation, joue de la basse, programme les beats avec un drumkit, joue du concertina, de l’accordéon et de tous les instruments qui passent à proximité. Elle se contente du violon alto dont elle joue divinement bien et du synthé. Pour l’anecdote, un invité, Ashley Allred, fait une apparition sporadique à la flûte sur « White Gymnasium ».
Cet album d’indie rock expérimental mi-classique, mi-électronique appelé « folktronic hop » dure plus de trois-quarts d’heure et par sa qualité, il mérite une écoute très attentive. Il comporte 17 titres dont le célèbre « Sombre Reptiles », erreur orthographique et morceau composé par Brian Eno en bonus. Idéalement, l’album doit être écouté d’une traite pour être pleinement apprécié. Le duo, qui en est à son deuxième album, a notamment accompagné en tournée Clap Your Hands Say Yeah et The National en 2006. Quel contraste intéressant pour le public de l’époque !
Le plaisir de Kevin O’Connor, c’est de jouer de la musique électronique et du hip hop instrumental. En s’adjoignant Lisa Molinaro pour cet album, son deuxième, il joint l’utile à l’agréable. Elle enrichit ses élucubrations teintées de percussions hip hop d’une musique classique remarquable. On obtient ainsi un mélange détonant mais tellement agréable à écouter qu’il devient rapidement difficile de s’en détacher.
C’est Lisa Molinaro qui apporte la touche émotionnelle à cet album instrumental largement expérimental conduit par des boucles de percussions variées mais qui est suffisamment descriptif pour nourrir l’imagination. Cette musique relativement complexe est conçue de manière à introduire des couches sonores successives pour s’accorder avec les drones du violon alto. On en arrive ainsi à un ensemble à la fois cohérent dans la construction de l’album, disparate dans son utilisation des instruments et expérimental dans la structure des morceaux, tous très courts, aux antipodes du couplet – refrain – couplet propre au rock traditionnel.
Le grand mérite de ce duo d’exception est de parvenir à réunir en un même album le hip hop et la musique classique et d’en faire un tout cohérent et parfaitement crédible. Parmi les meilleurs titres, on retrouve « Dusty Fluorescent/Wooden Shelves », introduit au banjo, qui allie percussions nerveuses et violon alto joué de façon très douce, « Cascade Locks », qui cumule la douceur du synthé et celle du violon alto sur fond de rythme hip hop sans que l’on puisse trouver à redire, « Bering », morceau charnière presque entièrement joué à l’alto, « Sept with Smith », joué par une guitare acoustique sur un rythme lancinant, l’alto se tenant cette fois à l’arrière-plan, et « Manhattan ’81 », joué au piano et accompagné par la basse et un alto joué de main de maître.
Mais c’est tout l’album qui est remarquable et sans être un concept album, il forme un tout cohérent. C’est le mariage de l’ancien et du moderne. Il est tellement soigné dans le détail que même la couverture mélange un paysage normal à une image digitale sans que cela soit choquant. En conclusion, voilà un très bon album qui ne déparera pas votre collection tant il est beau mais en fin de compte, c’est à vous de décider.
Pays: US
Tangled Up TUP 799
Sortie: 2007/09/17
